La District Court américaine du district-sud de New York a récemment affirmé que la condition d’enregistrement préalable d’un droit d’auteur pour bénéficier de dommages-intérêts posée par  l’article 412 de l’U.S. Copyright Act  n’était pas évincée par la Convention de Berne (décision Elsevier B.V. v. UnitedHealth Group Inc, No. 09 Civ 2124 – WHP du 14 janvier 2010).

Dans cette affaire, la société Elsevier, titulaire de droits d’auteur sur des livres et journaux accessibles à partir d’une base de données en ligne, ScienceDirect, reprochait à la société UnitedHealth Group Inc et ses affiliés d’avoir commis des actes de contrefaçon de ses droits d’auteur en accédant de façon non autorisée à des livres mis en ligne sur ScienceDirect.

La société Elsevier ne pouvait se voir allouer les dommages-intérêts et frais d’avocats prévus par les textes car les droits d’auteur en cause étaient des droits d’auteur étrangers non enregistrés.  En effet, l’article 412 du U.S. Copyright Act exige un enregistrement préalable du droit d’auteur concerné pour l’allocation de dommages-intérêts et de frais d’avocat légaux en cas d’action en contrefaçon.

Elle a alors initié une action aux fins de faire déclarer cette exigence de l’article 412 du US Copyright Act contraire à l’article 5 paragraphe 2 de la Convention de Berne qui affirme que « la jouissance et l’exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité; cette jouissance et cet exercice sont indépendants de l’existence de la protection dans le pays d’origine de l’œuvre ».  Dans ses demandes, la société Elsevier soutenait que la Convention de Berne évinçait les dispositions de l’article 412 du US Copyright Act en vertu de la « Supremacy Clause » de l’article 6 de la Constitution américaine qui prévoit l’application directe de la constitution, des lois et traités conclus sous l’autorité des Etats-Unis.

Cependant, le juge a rejeté les demandes de la société Elsevier au motif que les accepter reviendrait à déclarer l’applicabilité directe de la Convention de Berne aux Etats-Unis ce qui n’est pas le cas.

Pour ce faire, il s’est basé sur la décision de la Cour Suprême américaine de 2008 Medelin v. Texas, 128 S. Ct. 1346, 1356 ayant affirmé qu’il existait des stipulations dans les traités ne pouvant être appliquées qu’en vertu d’une législation nationale permettant de leur donner effet.

Il a ensuite relevé que le Congrès avait déclaré que la Convention de Berne n’était pas d’application directe en vertu de la constitution et des lois américaines lors de l’adoption du Berne Convention Implementation Act.

Le juge a ensuite examiné l’histoire législative du Berne Convention Implementation Act et observé que le Congrès avait modifié l’article 411 du US Copyright Act pour le mettre en conformité avec l’article 5 de la Convention de Berne, mais n’avait pas modifié l’article 412 du US Copyright Act au motif qu’il ne poserait pas de conditions préalables à la jouissance et à l’exercice du droit d’auteur.

Les dispositions de la Convention de Berne elles-mêmes ont servi au juge pour rejeter les prétentions de la société Elsevier. L’article 36 de la Convention de Berne prévoit en effet que : « (1) Tout pays partie à la présente Convention s’engage à adopter, conformément à sa constitution, les mesures nécessaires pour assurer l’application de la présente Convention.

(2) Il est entendu qu’au moment où un pays devient lié par la présente Convention, il doit être en mesure, conformément à sa législation interne, de donner effet aux dispositions de la présente Convention. »

Il a reconnu qu’il n’existait pas de précédent au sujet de la Convention de Berne parmi les tribunaux de première instance américains, mais que trois tribunaux de première instance américains ont déjà rejeté l’application directe de la Convention de Paris pour la Protection de la Propriété Industrielle.

Enfin, la société Elsevier a mis en avant un traité qui avait été reconnu d’applicabilité directe, mais le juge a écarté cet argument au motif que ce traité contenait une clause prévoyant les conditions de son applicabilité directe ce qui n’est pas le cas de la Convention de Berne.