Il y a quelques jours, le Conseil Constitutionnel reprocha au législateur d’avoir été trop avide de compétences ; résultat : un article du code des postes et des communications électroniques (CPCE) censuré et un législateur qui devra se remettre au travail.
Le 9 juillet dernier, le Conseil Constitutionnel fut saisi par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité. Les requérants remettaient en cause la conformité de l’article 45 du CPCE, relatif à l’attribution des noms de domaine sur Internet, qui confie à des organismes désignés par le ministre chargé des communications électroniques la tâche d’attribuer et de gérer les noms de domaine. Selon les requérants, cet article laisserait à l’autorité administrative et aux organismes désignés par elle trop de latitude pour définir les principes d’attribution des noms de domaine, sans fixer un cadre minimal et des limites à leurs actions ; en effet, le cadre prévu par l’article est pour le moins imprécis : « L’attribution […] est assurée […] dans l’intérêt général, selon des règles non discriminatoires rendues publiques et qui veillent au respect […] des droits de la propriété intellectuelle ». De plus, l’article renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser ses conditions d’application.
Le 6 octobre 2010, le Conseil Constitutionnel fit droit aux critiques et censura l’article 45 du CPCE ; pour ce faire, il prit le temps de rappeler certaines libertés constitutionnelles telles que la liberté d’entreprendre et la liberté de communication qu’il estime vont de pair avec les droits de la propriété intellectuelle puisqu’ « en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services dans la vie économique et sociale […] l’encadrement […] du choix et de l’usage des noms de domaine sur internet affecte les droits de la propriété intellectuelle, la liberté de communication et la liberté d’entreprendre ». Or, ces libertés constitutionnelles n’étaient même pas mentionnées dans l’article 45 du CPCE.
Reprochant au législateur d’avoir entièrement délégué le pouvoir d’encadrer les conditions dans lesquelles les noms de domaines sont attribués ou peuvent être renouvelés, refusés ou retirés sans qu’aucune autre disposition législative n’institue de garanties empêchant qu’il ne soit porté atteinte aux libertés d’entreprendre et de communication, le Conseil Constitutionnel déclara que le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence.
L’article 45 du CPCE survivra cependant encore neuf mois ; en effet, le Conseil Constitutionnel estima que « l’abrogation immédiate de cet article aurait, pour la sécurité juridique, des conséquences manifestement excessives ». La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article prendra donc effet le 1er juillet 2011, ce qui laisse au législateur le temps nécessaire pour déterminer un nouveau cadre législatif d’attribution des noms de domaine sur Internet.
L’Association française pour le nommage internet en coopération (Afnic) a pris soin de faire remarquer dans un communiqué de presse que la censure de l’article 45 du CPCE porte sur la manière dont le législateur avait encadré le droit des noms de domaine, et qu’elle ne remet pas en cause sa désignation en tant qu’office d’enregistrement en charge de l’extension « .fr » sur internet.