Le 20 septembre 2010, les sénateurs Patrick Leahy et Orin Hatch ont déposé une proposition de loi visant à combattre les atteintes aux droits et les contrefaçons en ligne via l’Internet (« The Combating Online Infringement and Counterfeits Act »), offrant ainsi au Département de la Justice un outil de taille pour lutter contre les infractions sur l’Internet.
Comme l’explique le sénateur Leahy, « peu de choses sont plus importantes pour l’avenir de l’économie américaine que la protection des droits de la propriété intellectuelle ». Ainsi, pour tenter d’enrayer la perte de milliards de dollars et de milliers d’emplois, la proposition de loi permettrait de sanctionner des sites hébergés à la fois sur le territoire américain et à l’étranger.
– Pour tout site hébergé aux Etats-Unis, le Département de la Justice pourra intenter une action civile à l’encontre d’un nom de domaine, en vue d’obtenir une décision judiciaire déclarant que ce dernier enfreint les droits de la propriété intellectuelle. Une fois une telle décision rendue, le Procureur Général pourra ordonner au bureau d’enregistrement le gel du nom de domaine litigieux. Parallèlement, une procédure contre le propriétaire lui-même du nom de domaine pourra être engagée.
– Pour tout site hébergé à l’étranger, le Procureur Général pourra, à sa discrétion, s’attaquer aux tiers partenaires du site poursuivi, tels que les fournisseurs d’accès, les fournisseurs de solutions de paiement en ligne ou encore les réseaux publicitaires y diffusant leurs publicités. Ces derniers constituent des structures essentielles à la viabilité financière du site déclaré illégal. Le Procureur pourra non seulement exiger que ces tiers cessent tout contact commercial avec le site déclaré illégal, mais il pourra aussi réclamer un filtrage auprès des fournisseurs d’accès.
Rod Beckstrom, le président de l’ICANN, organisation de droit privé à but non lucratif chargée de la gestion des noms de domaine, pourrait émettre certaines réserves face à la proposition de loi. Dans son discours d’ouverture du Forum sur la gouvernance de l’Internet à Vilnius, il avait déjà mentionné les conséquences d’une telle législation en déclarant que « [s]i la gouvernance devait devenir le territoire privé d’États-nations, ou être capturée par d’autres intérêts quels qu’ils soient, nous perdrions les fondations du potentiel à long terme et de la valeur transformative d’Internet ». Considérant l’ICANN comme étant « un organisateur essentiel de l’avenir d’Internet », M. Beckstrom loue sa « forme unique de gouvernance basée sur le consensus : une perspective mondiale ; une prise de décision ascendante ; un contrôle décentralisé ; des processus transparents et inclusifs ; et une attention portée aux voix de la communauté à tous les niveaux ». Le pouvoir qu’octroierait la proposition de loi aux autorités américaines irait à l’encontre d’une telle idéologie et, par conséquent, de l’institution même de l’ICANN.
Cependant, à ce jour, la proposition de loi visant à ordonner le gel de noms de domaine est elle-même … gelée ! En raison des élections américaines de mi-mandat, son examen a été différé et ne pourra revenir devant le Congrès qu’après les élections de novembre. Une affaire qui reste donc à suivre.