L’Australie est le premier pays au monde à avoir voté une loi permettant l’introduction des marques blanches pour les cigarettes en novembre 2011. Les paquets de cigarette comporteront désormais des images sensibilisant le public aux dangers du tabac et la marque sera apposée dans une typographie standard en noir sur fond couleur olive. Les paquets de cigarettes ne comporteront dorénavant plus de logos ou de couleurs chatoyantes. Les marques blanches seront définitivement introduites en décembre 2012, cependant, elles suscitent depuis des années déjà l’ire de nombreux acteurs économiques. L’introduction de cette loi controversée a fait l’objet d’un véritable pavé dans la marre et a été à l’origine de l’éclosion d’un contentieux riche de la part des magnas du tabac. Philip Morris a fait de cette législation son véritable cheval de bataille et sollicite le paiement de dommages-intérêts de plusieurs millions de dollars. Imperial Tobacco, Philip Morris, British American Tobacco, la liste de multinationales du tabac contestant la constitutionnalité de la loi australienne devant le prétoire ne cessent de croître. Néanmoins, l’Australie fait figure de laboratoire expérimental vers lequel les regards se tournent en particulier en Europe, au Canada et en Nouvelle-Zélande. Ces derniers pays attendent patiemment que les multinationales du tabac agissent contre ladite loi afin d’en tirer des conclusions pour l’introduction éventuelle d’une loi similaire. La protection des droits de propriété intellectuelle et le respect des engagements ratifiés auprès de l’OMC étaient de véritables leitmotivs lors de la rédaction et du vote de la loi australienne. De nombreux députés européens ont établi un dialogue avec les membres du gouvernement australien afin d’obtenir des conseils avisés pour la rédaction d’une directive sur le sujet.

Les contempteurs de cette loi introduisant les marques blanches affirment sans ambages que celle-ci serait contraire aux traités internationaux dument ratifiés par l’Australie. De plus, les marques blanches entraîneraient une augmentation notable du marché noir et de la contrefaçon. En Australie, l’introduction de marques blanches pour les cigarettes va de pair avec une augmentation des taxes. Les autorités australiennes insistent sur les effets positifs de la loi en matière de santé publique, les marques blanches en Australie devraient instiller une diminution notable de la consommation de tabac sur le continent. Les marques blanches suscitent néanmoins des questions byzantines car elles sapent le fondement même du droit des marques dont le dessein est d’éviter le sacrosaint risque de confusion entre les produits et services d’entreprises concurrentes. Sans marque, c’est tout un schéma économique et juridique qui doit être repensé. Cette législation impétueuse soulève également des problématiques quant à l’usage de la marque qui est particulièrement altéré. L’usage d’une marque sous la forme d’une typographie épurée sur un fond olive vaut-elle usage de la marque qui a été enregistrée en couleur avec un logo ? Reste à savoir si certaines entreprises titulaires de marques pourtant renommées ne devront pas redéposer leur marque afin que leur usage soit en adéquation avec leur enregistrement.

Au Parlement européen, un livre Blanc avait proposé l’introduction de marques blanches pour les cigarettes il y a de cela quelques années. L’expérience australienne est de ce fait riche d’enseignements et pourrait inspirer les législateurs européens afin d’introduire ou non une législation en ce sens. Le Commissaire européen chargé de la Santé, le maltais John Dalli, a d’ores et déjà affirmé qu’il évoquerait cette possibilité lors de l’évaluation de la directive européenne 2001/37/EC sur les produits du tabac qui se tiendra cette année. Le lobby des industries du tabac présent au Parlement européen ont déjà averti qu’ils agiraient contre une telle législation. Ce lobby se réunit à Bruxelles en cénacle afin de dresser une stratégie commune à l’encontre de ces marques blanches qui entraineraient une baisse substantielle de leur chiffre d’affaires.