L’introduction d’un nouvel article modifiant le Code de la Santé publique mais impactant également le droit des dessins et modèles vient de faire jour[1].

Cet article conduisant à une substituabilité des médicaments génériques au sensbde la Directive européenne[2], au regard de leur apparence, et dans leur lien de substituabilité avec un médicament princeps, constitue une atteinte aux Droits de Propriété Industrielle.

Le Code de la Propriété Intellectuelle (article L. 716-10) contient déjà pour les marques une disposition énonçant ce principe de substituabilité entre spécialité de référence et générique. Mais cette substituabilité n’intervient qu’après écoulement de la période légale de protection du médicament princeps par brevet.

Désormais, c’est l’apparence extérieure du médicament (la forme de gélule ou de comprimé, la couleur, la texture), susceptible d’être protégée par un dessin & modèle (art L 511-1 CPI) qui est visée par ce nouvel article du Code de la santé publique.

Les patients disposeront donc dorénavant d’une offre qui reprend les caractères organoleptiques du princeps au prix du générique.

Cet article vise de manière limitée, les spécialités pharmaceutiques orales, à l’aspect extérieur reconnaissable et identifiable. Ces spécialités étant considérées comme particulièrement susceptibles de provoquer des erreurs de prise, et donc de compromettre la sécurité du patient. En effet, bien souvent les patients identifient leur médicament par leur aspect extérieur.

Il ne concerne également que les médicaments génériques, dans leur lien de substituabilité au sens de l’article L. 5125-23 du Code de la santé publique.

Cette disposition facilite  aussi et surtout la diffusion commerciale des génériques, dans la mesure où de fortes différences d’apparence sont susceptibles de troubler les patients et donc de freiner le développement des médicaments génériques malgré le principe de substituabilité dont ils bénéficient.

Toutefois, ce nouvel article L. 5121-10-3 constitue une exception importante au droit des dessins et modèles. En effet, le droit des dessins & modèles confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers n’ayant pas son autorisation de l’utiliser. Or cet article remet en cause au profit des médicaments génériques le droit de dessins et modèles valablement accordés au profit des médicaments princeps.

Dès lors, une question se pose: pourquoi, alors que nous avons affaire à une modification notable et inédite des Droits de Propriété Industrielle en général et du droit des dessins & modèles en particulier, cette exception est-elle introduite uniquement dans le Code de la santé publique sans qu’il en soit fait mention dans le Code de la Propriété Intellectuelle?

Et ce, alors même que cette nouvelle disposition, répondant à un objectif d’intérêt général de santé publique, contrevient à la directive européenne sur les dessins & modèles qui ne prévoit aucune exception à ce droit.


[1]
La Loi N° 2011-2012, du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé vient ajouter un nouvel article L. 5121-10-3 au Code de la santé publique qui stipule que: « Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle protégeant l’apparence et la texture des formes pharmaceutiques orales d’une spécialité de référence au sens de l’article L. 5121-1ne peut interdire que les formes pharmaceutiques orales d’une spécialité générique susceptible d’être substituée à cette spécialité en application de l’article L. 5125-23 présentent une apparence et une texture identiques similaires ».

[2]
Le médicament générique se définit, selon l’article 10 de la Directive 2004/27/CE, comme un « médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique que le médicament de référence et dont la bioéquivalence avec le médicament de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité ».