Dès sa création au sein du jeu en ligne et site de réseautage social pour enfants « Moshi Monsters » exploité par la compagnie Mind Candy Ltd, Lady Goo Goo a fait l’unanimité. Si l’adorable petit bébé, avec sa poussette rose et ses couches-culottes de soie, a immédiatement séduit les bambins, les frasques du personnage ont attiré les foudres de la célèbre chanteuse Lady Gaga.
Le désamour entre les deux Dames est né lors de la sortie d’une chanson intitulé « Dance Moshi » (« Moshi Dance ») interprétée par Lady Goo Goo. En effet, ce personnage de dessin animé aux allures de bébé qui porte de grandes lunettes de soleil et des cheveux blonds, coiffés de manière excentrique, rappelle étrangement la célèbre pop star. Lady Goo Goo, adulée par son jeune public, rencontra un franc succès avec la « Dance Moshi » postée sur YouTube. L’entreprise exploitante, Mind Candy, forte de cette réussite, envisagea dans la foulée de vendre le tube sur iTunes.
Ce projet fit s’insurger Ate My Heart Inc, société contrôlée par Lady Gaga, qui déposa une demande d’injonction provisoire afin d’empêcher Lady Goo Goo de chanter. Titulaire de deux marques LADY GAGA enregistrées dans les classes 9, 38 et 41 pour, entre autres choses, des enregistrements sonores et vidéos, le streaming audio et vidéo sur Internet et des services de divertissement et d’éducation, la société Ate My Heart invoqua un risque de confusion entre les dites marques LADY GAGA et Lady Goo Goo, pour contrainte ce petit personnage à ne plus pousser la chansonnette (voir l’article 5 (1) (b) de la Directive sur les marques (2008/95 CE)[1]).
Appliquant le test de l’utilisateur moyen, la Haute Cour de Justice anglaise considéra que les consommateurs concernés susceptibles d’écouter la chanson litigieuse se trouvaient dans une tranche d’âge allant de 6 à 12 ans et qu’une si jeune audience pouvait facilement croire que Lady Gaga et Lady Goo Goo étaient liées. Il est vrai qu’une proportion de la population aurait été en mesure de distinguer la célébrité du personnage de dessin animé créé par « Moshi monster »; toutefois, comme le souligne le juge, certains de ces consommateurs, même plus âgés, pouvaient eux aussi être amenés à croire que Lady Gaga sponsorisait Lady Goo Goo voire que les deux Dames étaient simplement connectées. Pour ce faire, la Haute Cour de Justice anglaise retient que le terme « Goo Goo » et « Ga Ga » sont tous deux des bruits émis par les bébés ; que Lady Gaga a développé sa réputation dans le domaine de la musique ; que la pop star utilise le terme « Little Monsters » pour se référer à ses fans sur le réseau social Twitter et enfin, que l’entreprise Mind Candy a elle-même marquée la chanson litigieuse sur YouTube afin qu’elle apparaisse comme résultat, lorsque le mot «Gaga» et «monstres» sont utilisés ensemble comme termes de recherche (voir les paragraphes 55-58 du jugement[2]).
La Cour a également constaté que Lady Gaga ainsi que sa marque jouissent d’une grande notoriété et que l’utilisation de Lady Goo Goo tirait avantage de cette réputation. En outre, le juge en tenant compte de l’approche retenue dans Interflora Inc v Marks & Spencer Plc [2009] EWHC 1095 (Ch.), 2009 ETMR 54, considéra que exploiter Lady Goo Goo dans le domaine de la musique et la façon dont ce personnage imite Lady Gaga, tendaient non seulement à induire en erreur les consommateurs, pouvant ainsi croire que Lady Goo Goo était liée à la célèbre chanteuse, mais aussi conduire à la dilution ou risquer d’entacher la réputation de la marque LADY GAGA.
Par conséquent, la Haute Cour de justice anglaise en faisant droit à la requête de la société Ate My Heart, décida d’interdire à l’entreprise Mind Candy de promouvoir et vendre la « Danse Moshi » sur YouTube et iTunes.
Mind Candy n’a pas seulement donné naissance à Lady Goo Goo mais aussi à d’autres personnages basés sur des célébrités actuelles, parmi lesquels on compte notamment Brocoli Spear, Goo Fighters, 49 percent et Hairosmith. Il semblerait que Mind Candy aurait du se contenter d’exploiter Lady Goo Goo au sein du jeu en ligne et site de réseau social dédié aux enfants, au lieu de chercher à lancer sa carrière artistique sur le marché lucratif de la musique!
[1]Directive sur les marques (2008/95 CE), Article 5(1)(b) : « La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires: d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque ».
[2] Ate My Heart Inc v. Mind Candy Limited [2011] EWHC 2741 (Ch) – 10.10.11