Arbitraire, inique, défectueux, ces qualificatifs ne sont qu’une esquisse des termes péjoratifs qui peuplent la blogosphère juridique au sujet du système de l’archerie digitale lancé le 8 mai dernier par l’ICANN. L’incertitude qui règne quant au lot dans lequel les candidats vont être affectés est source de grande inquiétude. Vendredi dernier (ndlr : le 8 mai) et de manière étonnante avant la publication officielle des candidatures, l’ICANN a décidé de mettre en œuvre le système de l’archerie digitale. Comme nous l’avons déjà souligné lors d’un précédent article [1], ce système avait été conçu pour injecter une dose de représentation géographique tout en étant égalitaire dans le traitement des dossiers des nouvelles extensions. Cependant, une véritable bulle a éclaté au sein de la communauté juridique qui a émis de vives critiques à l’égard du système. Les contempteurs du système de regroupement par lots ont remis en question la pertinence dudit système et ont même été jusqu’à démontrer que des incuries techniques du même acabit que le précédant « glitch » de l’ICANN pourraient à nouveau se présenter. En effet, en fonction du débit Internet auquel les candidats ont accès leurs chances de succès ne seront pas tout à fait égales, d’autant que le serveur de l’ICANN voit sa capacité de plus en plus ralentie.

  • Pourquoi l’archerie digitale n’est-elle qu’un choix de second rang ?

Avant de s’engager dans le « batching system » et de cliquer frénétiquement sur sa souris, chacun doit garder à l’esprit que la file d’attente pour un tel système est similaire à la file d’attente d’une loterie. Ce système est étrange dans le paysage juridique des nouvelles extensions. Pour ce qui est tout d’abord de la prise en compte d’une certaine représentation géographique, cette composante si elle peut apparaître salvatrice au premier abord mène à certaines inégalités. Elle revêt en effet les habits d’une discrimination positive et comme chacun sait, une discrimination positive est toujours de manière sous jacente une discrimination négative faîte au détriment d’autrui !

Le système du regroupement par lot est simple et consiste à estimer a priori une heure et une date de dépôt de dossier, à vaquer à d’autres occupations, puis à revenir en temps et en heure, armé de sa souris pour tirer dans une cible digitale au plus près de son temps estimé. C’est un peu comme parier sur un cheval de course pour un profane, sans une équipe d’ingénieurs pour faire les estimations opportunes il est hasardeux de faire partie du premier lot. Faire partie des « happy few » qui verront leur dossier traité dans le premier lot permet d’avoir une chance d’avoir son extension mise en service début 2013, si le calendrier demeure inchangé. Des entreprises telles que pool.com exhorte les candidats d’avoir recours à leur service. Ces derniers proposent d’aider les candidats à s’essayer à l’arbalète pour caresser l’espoir d’être dans le premier lot source de convoitises. Ces entreprises comme pool.com ou FirstComeFirstBatch, dont le nom fait référence au célèbre principe qui régissait l’attribution des noms de domaine « first come first served » sont inévitablement animées par des fins économiques, ce qui est hautement regrettable et dévoie le système en son entier. Le vers semble être dans la pomme qu’il s’agissait de viser au mieux…

Enfin, dernier trait sujet à critique, si plusieurs dossiers portent sur la même extension celles-ci seront traitées dans le lot au sein duquel est apparue la première candidature. Ce qui favorise les candidats des extensions très demandées a fortiori et laisse une part non négligeable au sort !

  • De l’existence d’un plan B …

Avant que le système du regroupement par lots, autrement connu sous le nom d’archerie digitale ne fut introduit, des propositions alternatives avaient été formulées. D’aucuns ont proposé d’évaluer toutes les candidatures en même temps. Le fait est que cette solution n’est pas viable puisque c’est bien pour des raisons de traitement effectif des dossiers que l’ICANN a procédé à l’introduction de ce système compte tenu du vif succès des nouvelles extensions. Bien que cette affirmation apparaisse péremptoire, n’ayons pas peur des mots, le coup d’envoi ayant d’ores et déjà était lancé un retour en arrière semble inenvisageable.

Si le jeu peut devenir une addiction dont il est hasardeux de se défaire, dans le cas de l’archerie digitale l’addiction semble hautement supportable. Dès que les archers seront rangés dans leur carquois, les candidats seront libérés tant et si bien que l’ICANN devra certainement mettre en place un autre mécanisme moins aléatoire lors du second round, si second round il y a.


[1] Voir l’article : « New gTLD’s : l’Icann joue avec les nerfs des candidats : http://blog.dreyfus.fr/2012/04/new-gtlds-l%E2%80%99icann-joue-avec-les-nerfs-des-candidats/.