Franck Muller est un fabriquant de montres dont le slogan est « Master of Complications ». Le 14 janvier 2011, l’adage s’est vérifié puisque le Tribunal de commerce de Berne a donné raison à Franck Muller dans une affaire de contrefaçon de marque.
En mars 2009, lors d’un salon, Franck Muller avait dévoilé de nouveaux modèles de montres présentant l’inscription « MEGA » en leur centre. Un autre fabriquant de montres, Omega AG, détenteur de la fameuse marque « OMEGA », avait alors considéré que l’utilisation du signe « MEGA » pour des montres constituait une contrefaçon de sa marque.
Omega avait alors saisi le Tribunal de commerce de Berne en juillet 2009 afin d’empêcher Franck Muller d’utiliser le signe en question.
Selon la législation suisse, un signe ne peut être enregistré que s’il présente un caractère distinctif. Pour cela, le signe doit être suffisamment éloigné des termes normalement employés pour décrire le produit ou le service visé. Par exemple, le mot « pendule » n’est pas suffisamment distinctif pour une montre. De même, le terme « rouge » employé pour désigner un produit de couleur rouge est trop descriptif. Il ne peut donc pas être déposé comme marque.
Dans l’affaire qui nous concerne, le Tribunal a décidé que le mot « MEGA » appartenait au domaine public et rejeté l’action d’Omega. Les juges ont considéré que le mot « MEGA », un terme descriptif tiré de l’alphabet grec et signifiant « super » ou « grand », ne pouvait être utilisé que pour décrire le produit en cause. Il ne peut donc pas constituer une marque valide pour les montres. D’ailleurs, le mot « MEGA » apposé sur les montres Franck Muller était employé pour décrire la qualité particulière de ces montres, et plus précisément un type très complexe de mécanique.
L’usage du signe « MEGA » ne constituait donc pas un acte de contrefaçon de la marque OMEGA.
Le Tribunal aurait pu s’arrêter là, mais les juges ont tenu à répondre aux arguments du demandeur concernant le risque de confusion.
Le risque de confusion est l’un des éléments essentiels de la contrefaçon de marque. Il est constitué lorsque le consommateur d’attention moyenne est susceptible d’être induit en erreur sur l’origine du produit ou du service.
Pour établir ce risque de confusion, les signes, comme les produits ou services, doivent être comparés. Plus ils seront similaires, voire identiques, plus le risque de confusion sera caractérisé.
Dans le jugement du 14 janvier 2011, les juges ont considéré que le mot « OMEGA » devait être comparé aux mots « MEGA » et « FRANCK MULLER » ou « MEGA » et « FRANCK MULLER GENEVA ». En effet, « MEGA » n’était pas la seule inscription présente sur les montres. « FRANCK MULLER » et « GENEVA » étaient aussi inscrits sur les montres, avec la même taille et le même axe vertical. Pour les juges, cette impression d’unité poussait les consommateurs à envisager le mot « MEGA » comme un terme descriptif du produit en non comme une marque.
Pour que le risque de confusion soit caractérisé, une autre condition est nécessaire : la similarité entre les produits ou services visés par les signes.
De façon surprenante, le Tribunal a décidé que les produits en cause, des montres dans les deux cas, n’étaient pas similaires. Il est expliqué que le prix des montres n’avait rien de comparable, le prix de la plus chère des montres Omega étant cinq fois moins élevé que le prix de la moins chère des montres Franck Muller. De plus, les réseaux de distribution, la technologie employée et le public visés étaient différents.
La décision du Tribunal suisse est particulièrement dure pour Omega AG. Les juges ont fait preuve d’une grande sévérité dans la comparaison des produis en cause. Il n’est pas certain que le consommateur d’attention moyenne aurait remarqué la moindre différence entre les deux montres, même si l’une est beaucoup plus chère que l’autre !