Comme vous le savez, chaque pays européen met actuellement en place son propre dispositif de vente de médicaments sur internet.
Cette possibilité a été offerte aux Etats membres de l’Union Européenne par une Directive européenne de 2011 (1). Celle-ci prévoit que les Etats membres doivent permettre la vente à distance des médicaments au public, tout en leur laissant la possibilité d’interdire la vente par correspondance des médicaments vendus sur ordonnance pour des raisons de sécurité ou de santé publique.
En France, la Directive a été transposée par une Ordonnance du 19 décembre 2012 (2) autorisant ainsi la vente en ligne de médicaments.
L’objectif premier est la lutte contre la fraude et les médicaments contrefaits. Dans le monde, plus de 18 000 sites illégaux de commerce en ligne de médicaments ont été identifiés et fermés. 3,75 millions de médicaments potentiellement mortels ont été saisis. En France, les saisies douanières ont augmenté de 290 %. Ce chiffre est en très forte augmentation par rapport à la précédente opération réalisée en 2011 (3). Aussi, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 50% des médicaments vendus sur internet seraient des contrefaçons. L’encadrement de la vente de médicaments en ligne s’avérait donc indispensable afin d’assurer la sécurité des consommateurs.
Quels sont les médicaments qui peuvent être vendus ?
Dans un premier temps, l’Ordonnance limitait la vente en ligne de médicaments aux seuls médicaments dits « de médication officinale », c’est-à-dire aux médicaments vendus devant le comptoir des pharmaciens.
Puis, dans un second temps, la restriction de la vente sur internet à seulement une partie des médicaments sans prescription a été suspendue par une décision du Conseil d’Etat (4) ouvrant ainsi le commerce en ligne à tous les médicaments achetés sans prescription médicale obligatoire.
Dès lors, plus de 3500 références peuvent être actuellement vendues en ligne.
France : qui peut vendre des médicaments sur internet ?
La vente de médicaments en ligne devant répondre à des impératifs de santé et de sécurité publique, elle n’est pas ouverte à tous les marchands du web. Seuls les pharmaciens établis en France, titulaires d’une pharmacie d’officine peuvent vendre des médicaments en ligne. Il en va de même pour les pharmaciens gérants d’une pharmacie mutualiste ou d’une pharmacie de secours mais exclusivement pour leurs membres.
Le site internet doit obligatoirement être adossé à une officine de pharmacie. La cessation d’activité de l’officine de pharmacie entraîne donc la fermeture de son site internet. Le pharmacien est responsable du contenu du site internet qu’il édite et des conditions dans lesquelles l’activité de commerce électronique de médicaments s’exerce.
Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens tient à jour une liste des pharmacies en ligne autorisées. Actuellement il en existe 32 au 24 juin 2013.
Quelles sont les conditions à respecter pour ouvrir une pharmacie en ligne ?
D’abord, les pharmaciens doivent obtenir l’autorisation de l’Agence régionale de santé dont ils dépendent.
Ensuite, ils doivent informer l’Ordre des pharmaciens du ressort de leur officine de la création du site internet dans les 15 jours suivant l’autorisation.
Enfin, les sites français autorisés de commerce en ligne de médicaments doivent contenir les mentions obligatoires suivantes :
- les coordonnées de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)
- les liens vers les sites de l’Ordre des pharmaciens et du ministère de la santé
- le logo commun à tous les Etats membres de l’Union Européenne, qui a trait au commerce électronique de médicaments actuellement en cours de création par la Commission Européenne.
Comment sont assurés la veille et le contrôle ?
Actuellement, la lutte contre la vente illicite de médicaments sur internet est surtout le fruit d’une mobilisation internationale réunissant des acteurs puissants comme l’Institut international contre la contrefaçon de médicaments (IRACM), Interpol ou l’Organisation mondiale des douanes.
La Directive dispose (5) que la veille et le contrôle sont assurés par les Etats membres qui doivent prendre les « mesures nécessaires » afin que les fraudeurs soient soumis « à des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives ».
Au plan national, l’acteur majeur est l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui intervient à toutes les étapes de la création à la commercialisation du médicament. Toutefois l’ANSM intervient principalement pour la surveillance de terrain. A ce jour, il, n’existe pas d’organisme français spécifique pour la surveillance du marché des médicaments sur internet. La lutte contre les fraudes et les contrefaçons de médicaments sur internet est le fruit d’une collaboration entre l’OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique), l’ANSM, les services de police, de gendarmerie nationale et des douanes.
Il s’avère désormais indispensable de mettre en place des organismes de contrôle au plan national réellement spécialisés dans le contrôle d’internet. Il est nécessaire d’épauler l’ANSM dans la lutte contre la vente de médicaments falsifiés sur internet sur le territoire français.
Le ministère chargé de la santé doit publier prochainement un arrêté définissant les bonnes pratiques de distribution par voie électronique. Toutefois, le 15 mai 2013 l’Autorité de la concurrence a rendu un avis défavorable (6) sur le projet d’arrêté ministériel définissant ces bonnes pratiques, considérant que les restrictions qu’il contient « ne sont pas justifiées par des considérations de santé publique » et visent à limiter le développement de la vente en ligne de médicaments en France. En particulier, selon elle, les pharmaciens devraient pouvoir proposer médicaments et produits de parapharmacie sur un même site internet. L’Autorité conteste également l’alignement obligatoire des prix de vente sur internet avec ceux pratiqués en officine.
Quelles sont les sanctions applicables ?
Les pharmaciens qui manquent à leurs obligations risquent d’être confrontés à la fermeture temporaire de leur site éventuellement assortie d’une amende. Aussi, la distribution, la publicité, l’offre de vente, la vente ou l’importation de médicaments falsifiés sont punis de 5 ans d’emprisonnement ainsi que de 375 000€ d’amende (7).
Vigilance et réactivité sont de rigueur afin d’identifier les sites internet vendant des médicaments frauduleux. Avec le développement de la vente légale de médicaments sur internet, le consommateur risque d’être d’autant plus induit en erreur. En outre, un sondage montre que 80% des Français craignent de tomber sur des médicaments contrefaits sur internet (8) ce qui reflète bien le manque de confiance des consommateurs à l’égard de ce nouveau moyen de distribution.
Cette confiance ne pourra être trouvée que si la surveillance et les sanctions sont adaptées. Si on tape sur Google « pharmacie en ligne » ou « médicaments sur internet » on constate qu’il existe encore à ce jour des pharmacies en ligne illégales.
En théorie, la publicité pour les officines de pharmacie est illégale (9). Dans les faits on constate que les pharmacies en ligne n’hésitent pas à recourir aux instruments de publicité en ligne ou de référencement tels que les Google Adwords.
Pour commencer, la mise en place d’un système de surveillance des Google Adwords semble donc indispensable afin d’encadrer et de contrôler au mieux le marché.
(1) Directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 ayant modifié en ce qui concerne la prévention de l’introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne d’approvisionnement légale, la Directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un Code communautaire relatifs aux médicaments à usage humain.
(2) Ordonnance 2012-1427 du 19 décembre 2012 complétée par le Décret d’application 2012-15 du 31 décembre 2012 et codifiée aux articles L5125-33 et suivants et R5125-70 et suivants du Code de la santé publique.
(3) Source : site de l’Ordre des pharmaciens.
(4) Ordonnance en référé du Conseil d’Etat du 14 février 2013 n°365459.
(5) Article 85 quarter sixièmement.
(6) Avis n°13-A-12 du 10 avril 2013 relatif à un projet d’arrêté relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique, publié le 15 mai 2013.
(7) Dispositions de l’Ordonnance du 19 décembre 2012 insérées aux articles L5125-39 et L5421-13 du Code de la santé publique.
(8) Sondage Groupe Pasteur Mutualité/Viavoice sur « Les Français et la vente de médicaments en ligne » : Echantillon de 1007 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus interrogées le 28 février et le 1er mars, par téléphone.
(9) Articles L5125-31 et R5125-29 du Code la santé publique.