La contrefaçon est un fléau économique et social : selon l’OCDE, la contrefaçon représente 5 à 7 % du commerce mondial, soit un volume approximatif de 200 milliards d’euros.
Contrairement aux idées reçues, elle ne se limite pas au commerce de cigarettes ou de produits de luxe. Evoluant en parallèle du marché légal, la contrefaçon touche tous les secteurs d’activité : alimentation, vêtements, soins corporels ou encore les médicaments. Certaines saisies effectuées cette année expriment bien ce phénomène. Ainsi, le 17 mai 2013, les services de douane du port du Havre ont saisi 1,2 millions de sachets d’aspirine contrefaisants en provenance de Chine. Autre cas : le 15 mai 2013, un contrôle effectué au port de Marseille a permis l’interception de 10.000 paquets de biscuits contrefaisants la célèbre marque « BN ».
Bien que significatives, ces saisies ne suffisent pas à redonner le sourire aux douaniers français. Malgré un afflux toujours plus massif de marchandises contrefaites, principalement en provenance d’Asie (70 %), les saisies se sont effondrées en 2012. En constante augmentation, elles avaient atteint les 8,9 millions d’articles saisis en 2011, pour retomber à 4,6 millions l’année suivante. Soit une chute de… 47 % !
Si les coupes budgétaires affectent aussi les douaniers, ceux-ci attribuent plutôt cette baisse à l’effet de la jurisprudence européenne Nokia-Philips (CJUE, 1er déc. 2011, aff. C-446/09 et C-495/09, Koninklijke Philips Electronics NV c/ Lucheng Meijing Industrial Company Ltd et a. et Nokia Corporation c/ Her Majesty’s Commissioners of Revenue and Customs).
En effet, la solution retenue par la décision Nokia-Philips limite les possibilités d’intervention de la Douane sur les marchandises suspectées de contrefaçon en transit ou en transbordement, en exigeant notamment de l’Administration des éléments de preuves justifiant son action. Ainsi, depuis début 2012, la Douane française a cessé toute intervention sur les marchandises suspectées de contrefaçon en transit ou en transbordement. Cette jurisprudence expose clairement l’Europe au risque de devenir une plateforme de redistribution de la contrefaçon !
Cependant, la jurisprudence Nokia-Philips n’est pas encore gravée dans le marbre. Le Règlement européen n°608/2013, qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2014, ne proscrit pas la retenue des marchandises en transit ou en transbordement. En outre, la Commission Européenne dans ses propositions en date du 27 mars 2013, a affirmé sa volonté de rendre plus efficace la réglementation de l’Union sur ce point.
La Douane française constate également une hausse exponentielle de la vente des produits contrefaisants sur l’Internet. Ces articles, saisis par fret postal ou fret express, concernaient 1 % des articles saisis en 2005 (soit 35.000 articles) et 15 % en 2011 (soit 1.421.773). En 2012 les articles contrefaisants vendus via l’Internet représentaient un total de 1.428.281, soit 30 % des saisies ! Ayant réalisé l’ampleur du trafic de marchandises contrefaites sur l’Internet, les Douanes ont lancé en mars 2009 une cellule opérationnelle spécialisée dénommée « Cyberdouane ». Ces constatations sont également dues à l’activité accrue de cette cellule.
Ainsi, face à des contrefacteurs en constante évolution, la Douane française tâche de s’adapter. Pour être efficiente, cette adaptation de la Douane doit s’appuyer sur la coopération permanente avec tous les acteurs directement ou indirectement concernés.
Parmi ceux-ci, on retrouve les autres services de Douane, aussi bien Européens qu’étrangers. Si une meilleure harmonisation au niveau Européen est en cours, notamment via le règlement UE n°608/2013 et la proposition du « paquet marque » de la Commission Européenne en date du 27 mars 2013, elle demeure un processus de longue haleine. Quant à la coopération avec les services de douanes étrangers, la Douane française à bien pris la mesure de son importance, et ne cesse d’essayer de la renforcer, principalement avec les services Chinois et Hongkongais.
Par ailleurs, le partenariat avec les titulaires de droits améliore l’efficacité des services. Les titulaires de droits peuvent faire des demandes d’intervention. Gratuite et valable pendant une année, ces demandes d’intervention permettent aux douaniers de retenir toute marchandises suspectes pendant 10 jours et de mieux cibler leurs contrôles. Elles permettent également aux titulaires d’obtenir gain de cause pour protéger leurs droits de propriété intellectuelle en justice.
Entre la protection des droits de propriété intellectuelle d’une part, et la liberté de circulation des marchandises légitimes d’autre part, la Douane française cherche constamment le juste équilibre sans avoir toujours les moyens de ses ambitions.