business-dreyfus-8-150x15014 janvier 2014 – Une récente décision russe, Eldorado v Ulmart, a estimé que l’usage des mots-clés d’une marque dans le cadre publicitaire pouvait être considéré comme contrefaisant la marque. Cette décision reflète une scission avec le consensus général entourant cette question, car la plupart des juridictions se sont abstenues de donner une réponse claire.

Dans les faits, Eldorado a poursuivi en justice son concurrent Ulmart pour contrefaçon de marque. Eldorado est un important vendeur d’électroniques, détenteur d’une licence exclusive de plusieurs marques russes, dont « Eldorado » et « Territory of low prices ». Ulmart a acheté au moteur de recherche Yandex et utilisé les mots-clés « Eldorado of low prices. Here! » et « Ulmart: territory of service. Shops, delivery, fair prices, bonuses! Ulmart.ru ».

Selon les preuves présentées devant le Tribunal de Commerce (Arbitrazh) de Saint Pétersbourg et Leningrad, quand les internautes tapaient « Eldorado » dans Yandex, trois liens sponsorisés associés à Ulmart pouvaient apparaître. Le premier lien contenait les mots-clés « Eldorado of low prices. Here! ». En cliquant sur le lien, les internautes étaient redirigés vers www.ulmart.ru, le site internet du défendeur.

En accord avec le requérant, la cour a jugé que l’utilisation de « Eldorado » and « low prices » créait un risque d’association entre la marque du requérant et celle du défendeur et qu’un tel usage par Ulmart faisait naître un risque de confusion dans l’esprit du public. De plus, les juges ont noté que les mots « Eldorado » et « low prices » étaient mis en avant avec une police d’écriture plus grande que le reste de la publicité. En attirant l’attention sur ces mots, l’association des marques et donc le risque de confusion avec Eldorado semblaient renforcés.

En défense, Ulmart a argumenté qu’il ne pouvait y avoir de confusion entre les deux sites internet et qu’aucun lien évident n’existait avec le nom « Eldorado ». Ulmart a aussi mis en avant l’argument selon lequel « Eldorado » est un mot générique qui ne mérite pas de protection. Mais les juges n’ont pas adhéré à ce raisonnement.

La décision de première instance confirmée par la 13ème Cour d’appel le 8 mai 2014. Malgré la revendication d’Ulmart selon laquelle « Eldorado » est purement descriptif et trop vague, définissant « une terre riche en or et autres ressources » en russe, la Cour n’a pas séparé l’usage du terme de la marque elle-même et a rejeté l’appel du défendeur. Ulmart a fait part de son désaccord sur le montant des dommages-intérêts demandés mais, encore une fois, la cour d’appel a confirmé la décision de première instance. Enfin, la Cour a rappelé que pendant la durée de protection de la marque, le propriétaire de cette dernière ou le titulaire d’une licence exclusive peut faire valoir ses droits contre les tiers.

En guise d’observations préliminaires, on peut noter que l’usage de la marque protégée comme mot-clé et dans le texte d’un résultat de recherche sponsorisé équivaut à un usage de la marque. Eldorado n’a pas poursuivi en justice Yandex, le moteur de recherche tiers. L’usage de la marque ou d’un signe similaire dans une publicité pour des produits similaires est aussi considéré comme un usage de la marque en droit russe. Ce dernier reconnaît « l’usage sur internet » et l’utilisation de la marque comme mot-clé peut être considérée comme tel. Aussi, la manière dont la marque est utilisée dans une publicité joue un rôle crucial dans le verdict des juges. La cour a noté que si les marques Eldorado et Low prices n’avaient pas été présentent dans le texte, la décision aurait pu être différente.

L’affaire Eldorado est probablement la première d’une longue lignée d’affaires en droit russe portant sur les marques comme mots-clés publicitaires. A l’avenir, on ignore si les poursuites vont toucher seulement les publicitaires, ou les publicitaires avec les moteurs de recherche ensemble. Enfin, il faut rappeler que la Cour n’a pas condamné l’usage du mot-clé en soi, mais l’usage d’une marque comme mot-clé constituant une contrefaçon de marque.