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La procédure URS est-elle bénéfique pour les titulaires de marque ? Bilan après deux ans de mise en œuvre

 

 

Depuis sa création, et selon le rapport sur les mécanismes de protection des droits de l’ICANN mis à jour en septembre 2015, plus de 300 procédures URS ont déjà été engagées. La majeure partie des plaintes est déposée durant les premiers mois de création du nom de domaine. 68% des décisions rendues l’ont été suite à une absence de réponse de la part du titulaire du nom de domaine après mise en demeure. 94% des décisions rendues ont donné lieu à la suspension des noms de domaine concernés. La procédure URS semble ainsi séduisante de par sa rapidité et son coût réduit.

 

Pourtant, le choix entre URS et UDRP ne doit pas se limiter à l’évaluation de ces simples éléments. Tout dépendra des faits et circonstances spécifiques à chaque cas et du résultat que voudra obtenir le titulaire de la marque. Le nom de domaine a-t-il une réelle valeur pour lui ? Quels sont ses enjeux commerciaux ? Souhaite-il un simple blocage du nom de domaine ? Une annulation ? Un transfert ? Si le titulaire de la marque opte pour la procédure URS, il ne pourra obtenir qu’une suspension temporaire du nom de domaine. Or, s’il s’avère par la suite que ce nom de domaine avait de la valeur pour lui, il devra attendre qu’il retombe dans le domaine public pour pouvoir procéder à son enregistrement, en espérant qu’un tiers ne soit pas plus rapide que lui. Et même s’il reste possible de mettre en place un backorder (offre proposée par certains registrars d’enregistrer un nom de domaine dès sa retombée dans le domaine public), les résultats n’étant pas garantis, la procédure URS ne peut se substituer à la procédure UDRP qui permet un transfert du nom de domaine. Si le titulaire de la marque souhaite donc exploiter le nom de domaine, il devra avoir recours à l’UDRP. D’autres éléments sont également à prendre en considération.

 

Le titulaire de la marque satisfait-il à toutes les conditions posées par le système URS ? Il est intéressant en termes de choix entre URS et UDRP d’analyser les raisons de refus de certaines plaintes. Ainsi, dans une décision en date du 10 avril 2014, le NAF a rejeté la demande du plaignant au motif que ce dernier n’était pas en mesure de démontrer la titularité des marques dont il revendiquait la propriété. En effet l’expert a retenu que la société titulaire des marques n’était pas la société requérante et qu’aucun lien n’était établi entre elles[i]. De la même manière, une plainte avait été rejetée suite à l’incapacité pour le plaignant de démontrer l’absence d’intérêt légitime et la mauvaise foi du titulaire du nom de domaine. Dans cette affaire il n’était pas établi que le nom de domaine utilisé était associé à la marque dans la mesure où la page du site n’incluait aucune référence à cette marque[ii].

 

Notons également que la procédure URS n’offre aucune possibilité de correction des irrégularités. Dans un tel cas la plainte sera tout simplement rejetée. Le plaignant se doit donc d’être particulièrement attentif aux détails dans la constitution de sa plainte. Ainsi, dans une affaire du 12 avril 2014, la société Wolfram Research, Inc invoquait des droits détenus par la  société Wolfram Group, LLC contre le nom de domaine <wolfram.ceo>. Aucun lien entre les deux sociétés n’ayant été mis en évidence, la plainte avait été rejetée[iii]. Trois jours plus tard, la société Wolfram Group, LLC avait corrigé son erreur en déposant une nouvelle plainte URS, entrainant la suspension du nom de domaine concerné[iv].

 

Le choix du système de l’URS doit réellement relever de la mise en place d’une stratégie. Dans le cadre de cette procédure, l’atteinte doit être évidente et la preuve de cette atteinte claire et convaincante. A titre d’exemple, une procédure URS intentée en juin 2014 avait conduit au blocage du nom de domaine <stuartweitzman.email>[v]. Pourtant, les experts ont considéré en appel que la condition préalablement satisfaite et selon laquelle le titulaire du nom de domaine ne doit pas avoir d’intérêt sur celui-ci ne l’était plus suite au dépôt d’une preuve supplémentaire. Rien n’est donc totalement sûr concernant l’issue d’une procédure URS. En effet, le titulaire du nom de domaine <stuartweitzman.email> avait également procédé à l’enregistrement du nom de domaine <lufthansa.email>. Malgré les faits similaires, les examinateurs ont confirmé en appel la suspension du nom de domaine[vi]. Il est également très intéressant de constater concernant  l’affaire du nom de domaine <stuartweitzman.email> que suite à la procédure URS perdue en appel, une procédure UDRP intentée en novembre 2014 a conduite au transfert du nom de domaine[vii]. Le choix de la procédure extrajudiciaire n’est donc pas évident et la mise en place d’une stratégie est indispensable afin d’assurer une défense efficace des marques.

 

Pour ajouter à la difficulté du choix entre URS et UDRP, le titulaire de la marque devra également prendre en considération le nom de domaine lui-même. La procédure URS constituera un réel challenge pour les noms de domaine génériques ou descriptifs. Il sera plus compliqué pour le demandeur de démontrer une absence d’intérêt légitime du défendeur, d’autant plus que sa plainte sera limitée, en termes d’arguments à 500 mots. Il sera à l’inverse plus simple pour le défendeur de rendre cet intérêt légitime probable du fait même de la nature du nom de domaine. En outre, le titulaire de la marque devra évaluer s’il existe un risque faible ou élevé de réenregistrement du nom de domaine par un tiers. En cas d’URS, le nom de domaine bloqué retombera dans le domaine public. En fonction du nom de domaine le titulaire de la marque s’exposera alors potentiellement à un risque de cybersquatting.

 

Une parfaite prise en compte de tous ces éléments et des enjeux est donc nécessaire dans la détermination du choix entre UDRP et URS, cette dernière procédure ne produisant des effets positifs que dans des situations bien particulières. Malgré tout, et quelle que soit l’issue d’une procédure extrajudiciaire, URS ou UDRP, il sera toujours possible pour les parties d’exercer une action en justice devant une juridiction nationale.

 

Dreyfus & associés se propose de vous assister dans toute procédure URS ou UDRP et dans le monde entier en considérant la meilleure stratégie de valorisation et de protection de vos droits.

 

 

[i] NAF, 10 Avril 2014, affaire n° 1550933, Aeropostale procurement Company, Inc c/ Michael Kinsey et a.

[ii] NAF, 20 Mars 2014, affaire n° 1545807, Virgin Entreprises Limited c/ Lawrence Fain

[iii] NAF, 12 Avril 2014, affaire n° 1553139, Wolfram Research, Inc. v. Andrew Davis et al.

[iv] NAF, 30 Avril 2014, affaire n° 1554143, Wolfram Group LLC v. Andrew Davis et al.

[v] NAF, 24 Juin 2014, affaire n° 1554808, Stuart Weitzman IP, LLC v. yoyo.email et al.

[vi] NAF, 28 Avril 2014, affaire n° 1552833, Deutsche Lufthansa AG v. yoyo.email et al

[vii] OMPI, 6 Novembre 2014, affaire n° D2014-1537, Stuart Weitzman IP, LLC v. Giovanni Laporta , Yoyo.Email Ltd