La chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt du 20 janvier 2015[1], est venue rappeler d’une part, l’application du régime de responsabilité limitée des prestataires techniques pour leur activité d’hébergeur, et d’autre part, l’absence d’atteinte à la marque d’autrui en cas d’utilisation de celle-ci comme mot-clé sur Internet.
La société SNCF a constaté que huit de ses marques étaient utilisées à titre de mots-clés sur Internet afin d’orienter les consommateurs vers le site de sociétés concurrentes. La Cour d’appel de Paris fait droit aux arguments de la SNCF. Celle-ci soutenait tout d’abord que la société locataire des serveurs, sur lesquels sont hébergés les sites concurrents, devait voir sa responsabilité retenue en l’absence d’un rôle purement passif dans l’hébergement des données. Ensuite, la SNCF reprochait une atteinte aux droits de ses marques, en l’occurrence notoires, en raison d’un usage des marques comme mots-clés dirigeant les internautes vers des sites concurrents. Enfin, elle invoquait une pratique commerciale trompeuse laissant penser qu’il existait un lien commercial entre la SNCF et les défendeurs à l’action.
Mais, la Cour de cassation ne fut pas de cet avis et balaya chacun des trois moyens accueillis par la Cour d’appel de Paris.
Le bénéfice du régime de responsabilité limitée
L’article 6, I, 2 de la loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN) pose un principe d’irresponsabilité des prestataires techniques à l’occasion de leurs activités de stockages d’informations sur Internet. En effet, il serait illusoire de penser que ces prestataires techniques puissent contrôler tous les contenus mis en ligne par les internautes. Cependant, le risque est que ces derniers évoquent systématiquement leur qualité d’hébergeur pour bénéficier du régime de responsabilité limitée même pour leurs activités d’édition ou commerciales. Ce serait alors leur accorder une protection qui va au-delà des intentions de la loi française. Dès lors, les juges se doivent de qualifier chaque prestation pour déterminer si le régime de responsabilité limitée devra s’appliquer.
Dans notre affaire, la Cour d’appel avait retenu la responsabilité du prestataire technique en qualifiant son activité d’édition. En effet, pour la Cour d’appel, le prestataire ne s’est pas limité à stocker des informations mais a eu un rôle actif puisqu’il a eu la maîtrise de l’insertion et de la suppression des mots-clés. La Cour de cassation ne sera pas de cet avis et retiendra la qualité d’hébergeur du prestataire technique. Ainsi, l’insertion et la suppression de mots-clés ne suffisent pas pour caractériser un rôle actif.
L’usage de marques à titre de mot-clé sur Internet
Sur ce point, la Cour de cassation se contente de rappeler la jurisprudence de principe de la Cour de justice de l’Union européenne du 23 mars 2010 (Aff. Google France ; C-236/08). Il est donc désormais de jurisprudence constante que le titulaire d’une marque est habilité à en interdire l’usage que lorsque cet usage porte atteinte aux fonctions de la marque.
Le rejet d’une pratique commerciale trompeuse
La Cour de cassation, estimant que les consommateurs n’étaient pas abusés quant au fait de savoir s’ils étaient en relation commerciale avec la SNCF, a rejeté le dernier moyen fondé sur une pratique commerciale trompeuse.
Parasitisme ?
Il peut être regrettable que la SNCF n’ait pas avancé l’argument d’un agissement parasitaire puisqu’en utilisant les marques comme mots-clés sur Internet il est indûment tiré profit de leur notoriété et de leur pouvoir attractif.
Finalement, cet arrêt vient s’inscrire dans un courant jurisprudentiel que l’on peut désormais qualifier de constant.
[1] Cass. Com., 20 janvier 2015, n°11-28567