L’appréciation du risque de confusion doit être réalisée en gardant à l’esprit la fonction essentielle de la marque qui est de garantir l’origine des produits et services et par conséquent en prenant les deux signes comparés tels que le public les perçoit. C’est ainsi que la Cour de justice des communautés européennes définit le risque de confusion comme « le fait que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement » (CJCE, 22 juin 1999, aff. C-39/97, Canon : PIBD 1999, III, p. 28 ; Rec. CJCE 1999, I, p. 5507 ; RTDE 2000, p. 100, obs. G. Bonet).
La chambre commerciale de la Cour de cassation est venue récemment rappeler que « le risque de confusion doit s’apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, vis à vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d’exploitation des marques ou des conditions de commercialisation des produits. » (Cour de cassation, chambre commerciale, 23 juin 2015, pourvoi n°14-13011).
Dans cette affaire, une société commercialisant des produits vitaminés pour enfants sous la marque « Min’ours » avait attaqué en contrefaçon un concurrent pour la vente de produits similaires sous la marque « Kid’ours ».
La cour d’appel de Rennes avait retenu que la similitude structurelle des deux signes – composés tout deux d’un mot en trois lettres suivi du terme « ours » – était amoindrie par les différences dans les couleurs et la dactylographie mais surtout dans la présentation des marques sur les produits, c’est-dire le mode de conditionnement de ces derniers.
Cassant cet arrêt, la cour de cassation prône au contraire une comparaison in abstracto des signes lors de l’appréciation du risque de confusion. Elle réaffirme dans le même temps sa jurisprudence traditionnelle en la matière selon laquelle l’étendue de la protection accordée à la marque est cantonnée au contenu de l’acte d’enregistrement, indépendamment du mode d’exploitation ou de conditionnement des produits concernés (Cour de cassation, chambre commerciale, 29 novembre 2011 pourvoi N°10-31.061 et Cour de cassation chambre criminelle, 30 janvier 2013, pourvoi N°11-88569).
Par cette décision, la Haute Cour affirme son rôle de gardien du système des marques, gouverné par le principe selon lequel les droits exclusifs sont acquis par le biais de l’enregistrement de la marque, non de son usage.
La décision Specsaver rendue par la Cour de Justice des Communautés Européennes en 2013 avait ouvert une porte à la prise en compte de l’usage réel d’une marque lors de l’appréciation du risque de confusion. La Cour avait en effet jugé que «lorsqu’une marque communautaire n’est pas enregistrée en couleur, mais que le propriétaire la utilisé largement dans une couleur spécifique ou une combinaison de couleurs de sorte qu’elle est devenue associée avec cette couleur ou combinaison de couleurs dans l’esprit d’une portion significative du public concerné, la ou les couleurs qu’un tiers utilise pour la représentation d’un signe accusé de porter atteinte à ladite marque sont pertinentes dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion ou avantage injuste ».
Toutefois, les faits de l’espèce étaient différents. En outre, le conditionnement et l’usage réel des marques sont traditionnellement examinés par les juges dans le cadre de la concurrence déloyale ou du parasitisme.