Une des principales nouveautés introduites par la Directive « Paquet Marque » du 16 décembre 2015 (2015/2436 UE) est l’introduction d’une procédure administrative de déchéance et d’annulation des marques nationales enregistrées. Certains pays, comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, ont déjà introduit cette possibilité dans leur droit, mais ce n’était pas le cas de la France. Les modalités de mises en œuvre n’étant pas précisées par la directive, c’est le Gouvernement qui s’est attelé à cette tâche avec son projet de transposition du « Paquet Marques ». Celui-ci introduit plusieurs nouveaux articles dans le Code de propriété intellectuelle (CPI), visant à encadrer les conditions de mises en œuvre de cette nouvelle procédure administrative devant l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
Jusqu’à alors au titre de l’article R. 712-17 du CPI, l’INPI traitait uniquement la question de la déchéance pour défaut d’usage si elle était introduite en défense dans une procédure d’opposition par le titulaire d’une marque en cours d’enregistrement. Le projet de transposition étend le champ de compétence de l’INPI qui pourra désormais juger une demande en déchéance ou en nullité d’une marque dans un plus grand nombre d’hypothèses.
L’INPI devient ainsi compétent à titre principal pour traiter des demandes en nullité et en déchéance de marques, et ce en dehors de tout litige. Les tribunaux judiciaires restent quant à eux compétents pour traiter des demandes à titre reconventionnel en déchéance ou en nullité d’une marque, ainsi que pour traiter les demandes de nullité à titre principal, si elles ont pour fondement des noms commerciaux, des noms de domaine, ou des droits d’auteur. Plus généralement, les tribunaux conservent une compétence exclusive pour traiter des autres actions civiles et des demandes relatives aux marques, y compris les questions connexes de concurrence déloyale. Il en va de même pour les demandes en nullité ou en déchéance introduites dans le cadre d’une action en contrefaçon, à titre principal ou reconventionnel, ou lorsque des mesures provisoires ou conservatoires sont en cours d’exécution (Articles L 411-4 et L. 716-5 nouveaux).
La procédure administrative devant l’INPI est prévue par l’article L. 716-1 et les articles R. 716-1 à R. 716-11 nouveaux. Elle comprendra une phase d’instruction contradictoire. L’INPI devra statuer sur la demande de nullité ou de déchéance dans un délai de trois mois à compter de la fin de cette phase, sans quoi la demande sera réputée rejetée.
La demande de nullité ou de déchéance présentée devant l’INPI devra contenir :
- l’identité du demandeur ;
- les indications permettant d’établir l’existence, la nature, l’origine et la portée des droits antérieurs invoqués ;
- les références de la marque et des produits ou services visés par la demande en nullité ou en déchéance ;
- l’exposé des moyens ;
- la justification du paiement de la redevance (dans un délai d’un mois) ;
- le pouvoir du mandataire éventuel.
Cette demande devra être préparée avec soin puisqu’une une fois formée, son fondement et sa portée ne pourront être étendus.
La phase d’instruction s’ouvrira par la notification au titulaire de la marque contestée de l’action formée à son encontre. Suivront des échanges contradictoires par le biais d’observations écrites, qui pourront être ponctuées d’observations orales. Une fois cette phase d’instruction achevée, l’INPI statuera sur la demande.
Les décisions de l’INPI statuant sur une demande de déchéance ou de nullité devront être motivées (Article L. 411-5 nouveau), et pourront faire l’objet d’un recours en annulation ou en réformation auprès de la Cour d’appel du lieu de résidence du demandeur (Articles L. 411-4-1 et R. 411-19 nouveaux).
Grâce à cette nouvelle procédure administrative, le passage devant les tribunaux n’est donc plus obligatoire. Toutefois, la nullité d’un titre s’inscrit bien souvent dans le cadre d’un litige qui peut porter sur plusieurs titres. Les multiples questions ainsi soulevées ne relèveront sans doute pas toutes de la compétence de l’INPI et le juge judiciaire retrouvera ainsi sa compétence exclusive,, par exemple, s’il existe une question connexe de concurrence déloyale. Bien que sa compétence demeure en majorité cantonnée aux demandes de déchéance et de nullité reconventionnelle, le juge judiciaire ne sera donc pas complètement mis à l’écart de cette nouvelle procédure puisque les tribunaux judiciaires demeureront compétents dans les cas les plus complexes, et leur rôle sera complémentaire à celui de l’INPI. .
L’INPI se voit de ce fait attribuer une compétence plus grande. Il est pourtant peu probable que la nouvelle procédure se révèlera moins coûteuse, plus simple, plus rapide et qu’elle permettra effectivement de désencombrer le registre de l’INPI de nombreuses marques non utilisées, comme escompté.
A suivre…