In ou Out ? La majorité des Britanniques (51,9%) s’est prononcée le 23 juin dernier en faveur de la sortie de l’Union Européenne (UE). L’impact du Brexit reste encore flou mais nous savons aujourd’hui qu’il aura des conséquences indéniables sur les droits de propriété intellectuelle en Europe.
Il est important de garder à l’esprit que ce référendum n’a qu’une valeur consultative. Le référendum n’indique ni quand, ni comment le Royaume-Uni devra quitter l’UE. Par conséquent, cette sortie ne sera pas immédiate.
C’est l’article 50 du traité de l’Union Européenne qui donne la possibilité à un Etat membre de sortir de l’UE. Ce dernier prévoit que l’Etat membre souhaitant quitter l’UE devra notifier son intention au Conseil européen. C’est après cette notification que l’UE et le Royaume-Uni négocieront ensemble les modalités de retrait ainsi que le cadre de leurs futures relations. Cet article prévoit également un compte à rebours d’une durée de deux ans suivant la notification au Conseil européen après lequel les traités cesseront d’être applicables. Le Royaume-Uni ne devrait ainsi pas quitter l’UE de façon effective avant la fin de l’année 2018.
« Business as usual » en matière de propriété intellectuelle pour les deux années à venir
Il est important de retenir qu’aucun changement immédiat n’est à prévoir : ni perte de droits, ni action immédiate à engager. En effet, durant toute la période des négociations, les titres de propriété intellectuelle européens (marque européenne, dessin et modèle communautaire et brevet européen) maintiendront le même niveau de protection.
Que faire après la sortie effective du Royaume-Uni ?
Brevets :
L’OEB, qui est en charge de l’examen des demandes et de la délivrance des brevets européens fonctionne indépendamment de l’UE. Il est possible pour des pays non-membres de l’UE (ex : Suisse) de faire partie de l’OEB, ce qui devrait permettre au Royaume-Uni de conserver sa place au sein de l’OEB. Ainsi, des brevets européens désignant le Royaume-Uni pourront continuer à être délivrés.
Par ailleurs, la mise en place de la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB), prévue début 2017 devrait encore être retardée. En effet, la mise en place de la JUB nécessite la ratification du règlement par 13 Etats signataires, dont obligatoirement la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Etant donné qu’être membre de l’UE est l’une des conditions à la participation du brevet Européen à effet unitaire et de la JUB, la sortie du Royaume-Uni de l’UE rend cette mise en place complexe.
Marques européennes et dessins et modèles communautaires (DMC) :
Le règlement CE 40/94 du 20 décembre 1993 instituant la marque européenne (à l’époque « marque communautaire ») ainsi que le règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 instituant les DMC n’ont pas prévu l’hypothèse dans laquelle un Etat membre quitterait l’UE.
Les marques européennes et les DMC en vigueur avant que le Royaume-Uni ne quitte officiellement l’UE continueront à couvrir le Royaume-Uni.
Une fois le Royaume-Uni sorti de l’UE, les marques et dessins et modèles enregistrés par le biais de l’EUIPO seront impactés mais sans que nous ayons connaissance aujourd’hui ni de la teneur exacte de ces mutations ni du moment où celles-ci prendront effet. Les nouvelles marques européennes et DMC déposés auprès de l’EUIPO n’auront plus leur valeur actuelle puisqu’ils ne couvriront plus le Royaume-Uni. Pour bénéficier de la même protection, il faudra être titulaire d’un titre européen (alors hors Royaume-Uni) et d’un titre national britannique. Il faudra pour cela procéder à l’enregistrement d’une marque européenne auprès de l’EUIPO ainsi qu’à l’enregistrement d’une marque britannique (ce dernier pourra se faire soit pas le biais d’un enregistrement national auprès de l’IPO, soit par l’enregistrement d’une marque internationale).
Toujours est-il qu’il est également possible que le Royaume-Uni trouve un accord de façon à ce que les marques européennes et les DMC en vigueur avant le Brexit continuent à être valables sur le territoire du Royaume-Uni.
Droit d’auteur :
Dans la mesure où le droit d’auteur est très peu harmonisé en Europe et qu’aucun enregistrement ne soit nécessaire à la protection, aucun changement n’est à prévoir. Les Britanniques continueront à être liés par la Convention de Berne ainsi que par la Convention Universelle sur le droit d’auteur, mais l’interprétation de la loi conformément au droit européen reste à confirmer.
Par ailleurs, il faudra être vigilant concernant les contrats liés au droit d’auteur lorsque le Royaume-Uni quittera effectivement l’UE (voir ci-dessous).
Contrats :
Il convient dès à présent de revenir sur chaque contrat conclu, en particulier les contrats de licence existants, pour examiner les clauses relatives au territoire et voir si elles mentionnent l’UE. Il faudra alors déterminer s’il s’agit de l’UE telle qu’elle était constituée au jour de la conclusion du contrat ou s’il s’agit de l’UE hors Royaume-Uni afin de s’assurer que ces contrats correspondent toujours à l’intention initiale des co-contractants.
Les accords à venir dans les deux prochaines années devront mentionner clairement ce qui est entendu par « Union européenne ».
Protection des données :
Alors que le Règlement sur la protection des données vient d’être adopté par le Parlement Européen le 27 avril dernier, il pourrait ne pas s’appliquer sur le territoire britannique. Nous ne savons pas à l’heure actuelle de quelle manière le Royaume-Uni décidera d’organiser la circulation des données mais des accords spécifiques entre le Royaume-Uni et les pays membres de l’Union Européenne sur ce sujet sont envisageables.
Les noms de domaine en .eu :
Pour déposer un nom de domaine en .eu, il est nécessaire de justifier d’une adresse sur le territoire de l’Union Européenne (ou en Islande, au Liechtenstein ou en Norvège), ce qui atteste l’assujettissement aux lois et normes commerciales européennes. La sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne pourrait donc avoir un impact pour les titulaires britanniques de noms de domaine en .eu.
Toutefois, l’EURid, le registre en charge de la gestion du .eu et .ею (.eu en alphabet cyrillique) a confirmé dans un communiqué qu’il n’y aurait aucun changement immédiat à prévoir tant que le processus de départ n’était pas lancé. De plus, pour certains, cela ne devrait pas poser de problème particulier dans la mesure où les grandes entités auront la possibilité d’enregistrer des noms de domaines en .eu par le biais de filiales se trouvant sur le territoire de l’UE et des solutions devraient être trouvées dans les mois à venir pour les petites entreprises et les particuliers.
Titres nationaux :
Les titres nationaux britanniques ne seront pas affectés par le Brexit, qu’il s’agisse de l’acquisition ou de l’exercice des droits sur les marques, dessins et modèles et brevets.
Conseils pratiques :
Au vu des conséquences incertaines, il est pour l’heure essentiel de procéder à une analyse du portefeuille de titres de propriété intellectuelle de votre société et d’établir une stratégie concernant les titres existants ainsi que pour les dépôts à venir.
Pour les marques existantes indispensables à votre activité, pensez dès à présent à déposer une marque britannique auprès de l’Intellectual Property Office en plus de votre marque européenne existante. Il en va de même, pour tout nouveau dépôt de marque européenne.
Effectuer un dépôt national n’est ni très couteux, ni très long mais offre un droit de priorité et garantit donc une meilleure protection dans l’hypothèse où le marque européenne ne s’appliquerait plus au Royaume-Uni.
Si dans la cas contraire la marque européenne continuait à s’appliquer au Royaume-Uni, le dépôt national permettrait alors de revendiquer l’ancienneté de façon à ce que la marque européenne inclue la marque antérieure nationale.
Dreyfus & associés se propose de vous assister en considérant la meilleure stratégie de valorisation et de protection de vos droits.
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