Le Fournil est titulaire de droits sur la marque française semi-figurative « La Fuette », désignant du pain et des services de boulangerie, notamment du pain de qualité supérieure commercialisé dans les boulangeries sous le nom commercial et l’enseigne « La Fuette ». La société Coup de pâtes, quant à elle, commercialise du pain précuit surgelé sous la dénomination « Fusette ».

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Après avoir effectué une saisie-contrefaçon, Le Fournil a assigné la société litigieuse en contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Coup de pâtes a demandé reconventionnellement la déchéance des droits de la société Le Fournil sur sa marque « La Fuette ».

La cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance de la marque. Un pourvoi en cassation a alors été formé au motif que la cour d’appel n’aurait pas appliqué les règles relatives à la déchéance. Dans sa décision, la Haute juridiction censure les juges d’appel et rend une décision extrêmement détaillée et riche en enseignant sur la déchéance pour non-usage, selon les dispositions de l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle français. En effet, le titulaire d’une marque doit pouvoir justifier d’un usage sérieux de sa marque pour les produits et services pendant une période ininterrompue de 5 ans.

Pour commencer, cette affaire s’inscrit dans un contexte particulier. Désignant des produits et services de boulangerie, la marque ne pouvait pas être apposée sur les produits alimentaires.

La cour de cassation prend en compte la spécificité de la marque et censure la cour d’appel en précisant que cette dernière aurait dû rechercher si la production des supports commerciaux et publicitaires accompagnant la commercialisation des produits pouvait démontrer l’exploitation effective de la marque, étant donné que cette dernière ne peut pas être apposée sur les pains fabriqués en boulangerie.

A cet égard, la Haute juridiction rappelle que « l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci ».

La cour d’appel aurait dû faire preuve d’une plus grande souplesse et tenir compte des étiquettes et panonceaux et de toutes autres pièces fournies par la société Le Fournil pour avoir une appréciation éclairée de l’exploitation commerciale litigieuse.

Par ailleurs, La Fuette a fourni des preuves d’usage de la marque verbale « La Fuette », alors que l’enregistrement était celui d’une marque semi-figurative. La cour d’appel a estimé que l’usage de la marque devait se faire sans aucune modification. Cette solution est sévère.

Mais le signe « La Fuette » n’est-il pas l’élément dominant de la marque ?

Or, l’arrêt de principe de la Cour de justice de la communauté européenne « Sabel » du 11 novembre 1997 (CJCE, 11 nov. 1997, Sabel, affaire C-251/95) a permis d’expliquer la notion d’élément « dominant » de la marque. Cette jurisprudence explique qu’une appréciation globale doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. La perception des marques qu’a le consommateur moyen joue ainsi un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails.

La Cour de cassation a sanctionné à juste titre la sévérité de la cour d’appel qui avait considéré que les documents justificatifs apportés étaient sans effet au seul motif qu’il ne comportait pas l’élément figuratif. Il convenait de rechercher si l’élément verbal « La Fuette » était l’élément distinctif dominant, de sorte que son exploitation, même sans l’élément figuratif, constituait un usage de la marque sous une forme modifiée n’altérant pas son caractère distinctif.

La marque a pour fonction première et essentielle d’indiquer au consommateur l’origine des produits et/ou des services qu’elle désigne. Elle permet de ce fait d’identifier les produits et services d’une entreprise de ceux de ses concurrents.

Contrairement à la position que pouvait avoir la cour d’appel, la Cour de cassation a décidé, mentionnant un rapport de contrôle effectué par la Direction nationale de la concurrence et de la consommation réalisé le 14 novembre 2008, que le terme « La Fuette » était utilisé pour désigner un pain particulier dont il garantissait l’origine. La marque litigieuse permet donc d’identifier de façon effective ses produits et services de ceux de ces concurrents.

L’article L. 714-5 du CPI précise en effet dans son alinéa 4 qu’un usage sérieux commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans ne fait pas obstacle à la déchéance s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande. Ainsi, la cour d’appel n’avait pas à écarter certains actes d’exploitation invoqués à titre d’usage sérieux de la marque pour la seule raison que ces éléments étaient postérieurs à la période de trois mois à compter de la demande de déchéance et sans constater que la société Le Fournil avait à cette date connaissance de l’éventualité de la demande de déchéance. Cette exigence demande une certaine rigueur dans les délais qui doit être mise en œuvre par la Cour de cassation.

Il convient donc d’être prudent quant à l’usage de la marque. Il est crucial d’user effectivement de la marque comme elle a été enregistrée. A défaut, il peut être opportun de déposer une nouvelle marque.

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