Longtemps attendue, la réforme du droit des marques, ou plus communément appelée « paquet marque », a finalement été adoptée par le Parlement européen le 16 décembre 2015. Dans une volonté de moderniser et d’adapter la législation européenne actuelle avec l’Internet, cette Directive permet de refondre la Directive 2008/95/CE.
La marque est un élément essentiel dans la stratégie commerciale d’une entreprise, qu’il convient donc de protéger. La Cour de justice de la communauté européenne rappelle en effet dans un arrêt du 12 novembre 2002 que la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur l’origine véritable d’un produit ou service (CJCE 12/11/2002 Arsenal Football Club c/ Matthew Reed).
Cependant, cette sauvegarde de la marque ne doit pas entraver d’autres principes comme celui de la liberté d’entreprendre.
Une déchéance classique des droits pour défaut d’exploitation
Dans cette optique, la Directive 2015/2436 rappelle dans son article 16 que le propriétaire de la marque qui n’en fait pas un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de 5 ans encourt la déchéance de ses droits pour défaut d’exploitation. Cette disposition ne s’applique toutefois pas s’il existe des justes motifs à la non-exploitation de la marque.
C’est ce qui ressort également de l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle français, qui dispose de surcroît que « la déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée ».
La procédure administrative : une innovation de la Directive
La Directive européenne 2015/2436 apporte un progrès important dans le panorama du droit des marques et de la déchéance des droits pour défaut d’exploitation. Son article 45 dispose effectivement que « sans préjudice du droit des parties de former un recours devant les juridictions, les Etats membres prévoient une procédure administrative efficace et rapide devant leurs offices permettant de demander la déchéance ou la nullité d’une marque ».
Cette procédure administrative de déchéance pour défaut d’exploitation était déjà en place dans un certain nombre de pays de l’Union européenne. Cela étant, d’autres pays comme la France permettaient simplement d’intenter une action devant la juridiction judiciaire.
Cette réforme va alors donner compétence à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) de juger une demande en déchéance ou en nullité de la marque. A l’évidence, les parties ont toujours la possibilité, si elles le souhaitent, d’agir devant le juge judiciaire.
Jusqu’à présent, la déchéance pour défaut d’exploitation ne pouvait être invoquée devant l’INPI que, en défense, dans une procédure d’opposition en vertu de l’article R 712-17 du CPI français. Pour réfuter ce moyen de défense, l’opposant n’était pas obligé, devant l’INPI, de démontrer qu’il avait fait un usage sérieux de la marque pour tous les produits qu’il invoquait dans l’opposition (article R 712-17 al. 2 du CPI français). Il suffisait effectivement qu’il démontre un usage sérieux au cours des 5 dernières années pour un seul de ces produits.
Aujourd’hui, du fait de la combinaison des articles 19, 21 et 45 de la directive 2015/2436, le titulaire ne pourra pas se défendre en une demande principale en déchéance en se contentant de démontrer un usage pour un des produits.
Par ailleurs, la Directive 2015/2436 précise que la transposition par les Etats membres des dispositions relatives à la procédure administrative de déchéance et de nullité bénéficie d’un délai plus étendu. En effet, il est expliqué dans le préambule de la Directive que, dans un souci d’efficacité, « les États membres devraient prévoir la mise en place d’une procédure administrative de déchéance ou de nullité dans le délai de transposition plus long de sept ans ». Les Etats membres doivent donc procéder aux modifications nécessaires avant le 14 janvier 2023.
L’EUIPO (anciennement « OHMI ») a la compétence de recevoir des demandes en déchéance de la part des titulaires de marques de l’Union européenne. Cette procédure administrative a déjà démontré ses avantages tels que son efficacité, sa rapidité et son coût peu élevé.
Il ne fait aucun doute que cette évolution va jouer un rôle prépondérant dans le futur paysage de la défense des marques.
Voir sur le même sujet : Union européenne : appréciation des preuves d’usage lors d’une action en déchéance de la marque