La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 12 avril 2016, a validé la marque « Le Petit Marseillais », visant les savons en classe 3 et a condamné pour contrefaçon le titulaire de la marque « Le P’tit Zef ».
La validité de la marque « Le Petit Marseillais »
La société titulaire de la marque « Le Petit Marseillais » a engagé une action en contrefaçon contre la société titulaire de la marque « Le P’tit Zef ». Cette dernière a décidé en réponse de soulever la nullité du signe qui lui était opposé en raison de son caractère trompeur.
Effectivement, « Le P’tit Zef » essayait de se protéger en arguant qu’une marque « Le Petit Marseillais » donnait l’impression qu’elle prétendait être du savon de Marseille sans en être véritablement. Or, l’article L. 711-3 du Code de propriété intellectuelle français rappelle que « ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe […] de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ».
La cour d’appel de Paris remarque que la marque « Le Petit Marseillais » évoque le savon de Marseille dans l’esprit des consommateurs. En outre, les produits et services de cette dernière désignent effectivement du savon de Marseille en Provence. Or, la société « Le P’tit Zef » a mis en avant dans cette affaire que ces produits ne n’étaient pas originaire de la Provence mais de Côte d’Or.
Il convient donc, pour la cour d’appel, de vérifier si la société titulaire de la marque du « Petit Marseillais » avaient commis une tromperie en enregistrant le signe tel quel.
Les juges ont considéré qu’il n’existait pas dans cette affaire un risque de confusion ou d’erreur dans l’esprit du public. Effectivement, l’arrêt note que « selon la page Internet de l’encyclopédie en ligne Wikipédia versée aux débats, le terme « savon de Marseille » n’est pas une appellation d’origine contrôlée mais correspond simplement à une méthode de fabrication approuvée depuis mars 2003 par la DGCCRF ». Ainsi, par exemple, des savons provenant d’un autre pays ont la possibilité de prétendre à la qualification de « savon de Marseille » à partir du moment où le procédé de fabrication intègre un système de saponification.
La cour ajoute que « la dénomination « le petit marseillais » reprise par les trois marques en cause ne peut, aux yeux du grand public concerné, désigner la provenance géographique des produits visés par ces marques, compte tenu de la connaissance qu’a ce public de la nature de ces produits ».
Ainsi, après s’être appuyé sur une page Wikipédia pour argumenter sa décision, ce qui peut paraitre étonnant, la cour a considéré que la marque « Le Petit Marseillais » n’était pas déceptive. Il n’est toutefois pas certain que la majorité des consommateurs soient conscient de la provenance du terme « savon de Marseille ».
« Le P’tit Zef » imite « Le Petit Marseillais »
La cour d’appel de Paris ayant considéré la marque « Le Petit Marseillais » valable, elle a dû se prononcer sur la question de l’imitation de ce signe par la marque « Le P’tit Zef ».
Par un arrêt du 25 mars 2014, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient rappeler le principe fondamental selon lequel la contrefaçon et le risque de confusion s’apprécient par rapport aux ressemblance d’ensemble.
En effet, la Juridiction Européenne a souligné à plusieurs reprises que le consommateur moyen perçoit une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails.
Ainsi, les juges doivent fonder leurs décisions sur l’impression d’ensemble produite par ces marques au plan visuel, phonétique et intellectuel, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.
Visuellement, on apprécie la forme générale d’une marque figurative aussi bien que la structure des mots. Phonétiquement, les marques peuvent également être confondues par un consommateur n’ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux.
Il est indéniable qu’il existe des éléments communs entre les deux signes, que ce soit pour la partie figurative des marques ou pour la partie verbale. En effet, les deux termes d’attaque présentent une forte similarité. Les termes « Le Petit » et « Le P’tit » sont équivalents.
Cependant, une appréciation globale visuelle et phonétique des deux signes pouvait conduire à penser que « Marseille » et « Zef » étaient suffisamment différent pour écarter tout risque de confusion.
Finalement, la cour s’est attardée sur une analyse de l’aspect intellectuel de la perception des marques. En effet, les signes distinctifs peuvent être confondus intellectuellement, le consommateur ayant en tête la première marque, il va lui associer la seconde.
La cour d’appel a considéré la dénomination « p’tit zef » comme étant une déclinaison d’une expression bretonne signifiant le « vent de chez nous » et désignant plus particulièrement une personne originaire de la ville de Brest. Les signes en cause présentent alors, pour les juges, de « fortes similitudes conceptuelles en renvoyant chacune à l’image d’un enfant originaire d’une ville portuaire française importante : Marseille pour la marque antérieure et Brest pour les marques secondes ». Le public est donc possiblement conduit à penser que « Le P’tit Zef » est une déclinaison bretonne du « Petit Marseillais ».
La cour d’appel a ici décidé de ne pas mentionner la notoriété que l’on peut attribuer à la marque « Le Petit Marseillais » afin de caractériser le risque de confusion, ce qui peut paraitre surprenant.
En outre, l’analyse faite par les juges se rapproche de la validité d’une protection du genre de la marque, alors que c’est un élément indéniablement non protégeable. Pour ne pas se perdre sur ce terrain, elle considère le concept de déclinaison, au lieu de raisonner de façon plus approprié sur un cumul des points de ressemblances et de conclure par une appréciation globale.
Par ailleurs, le raisonnement de la cour peut étonner quant à son appréciation des connaissances du consommateur. Effectivement, d’un côté, elle considère que ces derniers sont en mesure de savoir que l’expression « savon de Marseille » ne signifie pas que les produits proviennent exclusivement de la ville de Marseille mais qu’il fait référence à un procédé de fabrication, tout en estimant d’un autre côté, que ces consommateurs ne sont pas apte à discerner la différence entre les deux signes.
Toutefois, les juges ont bien décidé de condamner la société titulaire de la marque « Le P’tit Zef » pour contrefaçon, du fait du risque de confusion entre les deux signes.
C’est une décision intéressante qui confère une étendue particulièrement large de défense du droit des marques.
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