Le 29 février 2016, l’Assemblée nationale de la République de Corée a voté une loi qui modifie de façon importante la législation coréenne en droit des marques. La loi révisée entre en vigueur le 1er septembre 2016.
Cette réforme fait notamment suite à plusieurs propositions du 4 juin 2012 de l’Office Coréen de Propriété Intellectuelle pour modifier la législation en matière de marques. La nouvelle loi intègre également tous les amendements depuis 1990.
L’objectif affiché est de raccourcir le délai de procédure d’enregistrement des marques et de faciliter le dépôt des demandes. En effet, dans le cas où une décision judiciaire aurait prononcé l’annulation de l’enregistrement d’une marque pour défaut d’usage, elle pourra désormais être prise en compte lors de l’examen de la demande d’enregistrement d’une nouvelle marque qui serait identique ou similaire à la marque annulée. Il ne sera alors pas nécessaire de déposer une nouvelle demande d’enregistrement pour la même marque. En outre, il sera désormais possible à un demandeur de déposer ses arguments contre une notification de rejet par l’Office de dépôt de sa marque au-delà de la date butoir d’origine et d’ainsi demander à poursuivre la procédure.
Définition d’une « marque »
En premier lieu, la définition d’une « marque » est simplifiée. L’article 2(1)(i) définissait la marque comme « un moyen utilisé sur des biens relatifs au commerce d’une personne qui exerce des activités commerciales, comme la production, la fabrication, la certification ou la vente de tels biens, pour les distinguer d’autres biens d’autres personnes, tel que : a) un signe, un caractère, une illustration, une forme tridimentionnelle ou une combinaison de ceux-ci ; ou b) d’autres constructions visuellement reconnaissables ».
Dorénavant, une marque déposée est « une marque qui est utilisée pour identifier et distinguer les biens d’une personne de ceux d’une autre personne », peu important la forme d’expression de cette marque.
Recevabilité plus large des actions en annulation pour défaut d’usage : suppression de la nécessité d’avoir un intérêt à agir.
Une marque coréenne peut être annulée si elle n’a pas fait l’objet d’un usage de façon continue pendant les trois années qui précèdent la demande en annulation.
Dans l’ancienne législation, l’article 73(6) de la loi permettait à une « personne intéressée » de faire une demande en annulation basée sur le défaut d’usage, au cours des trois années précédants la demande en annulation, de la marque par son propriétaire ou par le propriétaire d’une licence exclusive ou non-exclusive sur la marque. L’article 119(5) de la nouvelle loi a supprimé la condition d’intérêt à agir et, dès lors, tout tiers peut introduire une telle action en annulation sans devoir justifier d’un intérêt quelconque.
En outre, lorsque l’annulation de la marque avait été prononcée par le tribunal, conformément à l’article 73(7), le droit sur la marque s’éteignait le jour où cette décision était devenue définitive. Cette date est désormais modifiée par l’article 119(6) qui la rend rétroactive au jour où la demande en annulation a été déposée.
Cette réforme a pour but de désengorger les tribunaux ainsi que les registres de marque et d’accélérer les procédures. En effet, pour l’année 2014, l’Office Coréen de Propriété Intellectuelle fait état de 150 226 demandes de dépôt de marques et de 3 823 demandes de procès concernant des marques dont 1 449 demandes en annulation. Sur ces demandes en annulation, 1 396 décisions ont été rendues.
Cette réforme va également permettre aux tribunaux de se recentrer sur l’intérêt de l’annulation en elle-même sans s’intéresser à l’intérêt à agir du demandeur.
En outre, il faut noter que l’article 8 supprime la période de six mois qui s’imposait au déposant ayant fait une demande en annulation pour défaut d’utilisation d’une marque enregistrée. Il n’est plus nécessaire que la demande de dépôt de marque ait été faite six mois avant la demande en annulation ; seul demeure le critère d’antériorité de la demande d’enregistrement vis-à-vis de la demande d’annulation.
Modification de la procédure d’examen d’une marque dans le cas d’une identité ou d’une similarité avec une marque enregistrée
Le droit coréen n’autorise pas le dépôt d’une marque qui est identique ou similaire à une marque enregistrée.
Selon l’article 7(1)(vii), un examinateur devait observer si une telle identité ou similitude se présentait à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque. Or, si la marque enregistrée venait à être invalidée, annulée, abandonnée ou assignée, après que le dépôt de la demande ait été fait, cela n’avait aucune incidence sur l’enregistrement de la nouvelle marque : l’examinateur continuait de refuser cet enregistrement car elle était identique ou similaire à la marque enregistrée au moment où la demande avait été déposée. Peu importait donc ce qui se passait après ce dépôt quand bien même le demandeur y trouvait un avantage.
C’est pourquoi l’article 34(2) de la nouvelle loi a déplacé cet examen de l’identité ou de la similarité de la nouvelle marque avec une marque enregistrée à la date de l’examen de la demande d’enregistrement. Le cas échéant, une décision d’annulation, d’invalidation, d’abandon ou d’assignation sera prise en compte lors de cet examen et l’examinateur pourra alors accepter l’enregistrement de cette nouvelle marque.
La loi a également supprimé l’article 7(1)(viii). Il imposait à une personne d’attendre un an après l’annulation d’une marque enregistrée d’une autre personne, avant de faire une demande d’enregistrement d’une marque identique ou similaire avec la marque annulée.
Cet article cherchait à éviter la confusion dans l’esprit des consommateurs entre les deux marques. Or, il n’empêchait pas cette confusion dans le cas où la marque enregistrée avait été assignée par une licence à deux personnes différentes (ce que l’article 54 rend possible). Il a donc été supprimé afin de raccourcir la procédure de demande d’enregistrement d’une marque.
Cette réforme, initialement attendue pour l’année 2015 par les professionnels du droit des marques et l’Office Coréen de Propriété Intellectuelle, semble avoir atteint son objectif. Malgré ce retard d’un an, elle suit les propositions de l’Office faites en 2012 et elle contribue à équilibrer le droit des marques coréens, à le rendre plus juste et à accommoder les déposants de marques.