La forme des taxis londoniens, trop peu distinctive.Deux marques tridimensionnelles portant sur la silhouette du fameux taxi londonien invalidées pour défaut de distinctivité.

La silhouette d’un produit enregistré à titre de marque : quels enjeux ?  

La marque tridimensionnelle, qui vise à protéger la silhouette d’un produit, est un enjeu clé pour les entreprises. Un tel enregistrement de marque se voit cependant régulièrement refusé pour défaut de distinctivité par les tribunaux. En témoigne la décision du 1er Novembre 2017 de la Cour d’Appel d’Angleterre et d’Ecossequi a confirmé une décision de première instance visant à l’annulation des marques européennes tridimensionnelles 951871 et 2440659 en classe 12 pour les véhicules dont les taxis. Ces marques avaient été enregistrées par la London Taxi Corporation, les fameux taxis londoniens. Cette société avait assigné sa concurrente Frazer-Nash Research Ltd & Anor en contrefaçon de ses marques pour la fabrication et la commercialisation de véhicules de forme similaire, qui avait répliqué en annulation de ces marques.

Cet arrêt rappelle les principes fondamentaux énoncés par les législations et jurisprudences communautaire en matière de marque tridimensionnelle. Même si aujourd’hui de nombreuses marques portent sur la silhouette des produits qu’elles visent (par exemple la fameuse bouteille de la marque Coca-Cola), il est exigé que cette forme soit suffisamment distinctive, c’est-à-dire qu’elle présente un caractère arbitraire par rapport aux services ou produits qu’elle désigne.

Une forme certes fameuse, mais peu distinctive…

Dans la présente affaire du 1er novembre 2017 (après avoir défini le public visé par les produits commercialisés sous les marques litigieuses, à savoir à la fois les chauffeurs de taxis mais également leurs clients, s’est attelée à apprécier le caractère distinctif de ces dernières. Ce caractère distinctif est un des éléments essentiels relatifs à l’enregistrement d’une marque. Si cette dinstinctivité peut être acquise de manière relativement évidente en matière de marques verbales et figuratives, son appréciation reste plus complexe en matière de marques tridimensionnelles. A cet effet, la Cour d’Appel a suivi la décision de première instance qui avait jugé que les marques enregistrées étaient dépourvues de caractère distinctif car ne s’éloignaient pas suffisamment des normes et habitudes du secteur, tel qu’exigé par la jurisprudence (CJUE, Arrêt du 20 octobre 2011, Freixenet / OHMI, C-344/10).

En effet, il a été jugé que les silhouettes de taxis enregistrées à titre de marque ne peuvent être perçues par le consommateur que comme une variante de la silhouette typique d’un taxi ou plus largement d’un véhicule et non entant qu’une forme qui distinguerait réellement l’origine de la production. Ce caractère distinctif inhérent faisant défaut, la Cour a par la suite apprécié si cette distinctivité avait pu être acquise par l’usage.  Encore une fois, elle a validé la décision de première instance, établissant qu’aucune preuve ne permettait d’affirmer que le public visé, à savoir notamment les clients des chauffeurs de taxis, associeraient de manière évidente la forme du taxi à la production de véhicule fournie par la société London Taxi Corporation. Elle a ainsi souligné que, en toute circonstance, la silhouette d’un produit n’est que rarement utilisée comme indicateur d’origine par le public pertinent. Elle a ainsi conclu qu’en l’espèce, la clientèle accordait plus d’importance au fournisseur de services et à la réglementation londonienne y étant relative qu’au producteur desdits véhicules lorsqu’ils utilisaient les services proposés.

Les tribunaux britannique, sévères envers la marque tridimensionnelle ?

Cette décision s’inscrit dans une appréciation stricte du caractère distinctif par les juridictions britanniques, et plus généralement européennes et communautaires. En effet, la haute Cour avait déjà refusé l’enregistrement de la forme de la fameuse barre chocolatée KitKat, commercialisée par Nestlé, à titre de marque tridimensionnelle pour défaut de distinctivité et ce, en dépit de la renommée acquise par le produit au fil des dernières décennies. Elle avait ainsi suivi la décision antérieure de l’OHMI. (Décision de la Haute Cour d’Angleterre et des pays de Galle, 20 janvier 2016,CH/2014/0392, CH/2013/0394).

Il avait à l’époque été estimé qu’un tel enregistrement aurait donné un avantage compétitif important au géant du biscuit. Une telle appréciation peut également être fait concernant le constructeur de taxis londoniens. 

Cet arrêt met en lumière la difficulté à conférer à la silhouette d’un produit le droit accordé par la marque tridimensionnelle. Il aurait cependant été intéressant de se questionner sur l’issue du présent jugement si la forme du taxi avait été déposée à titre de dessins et modèles et non à titre de marque…