L’essence même du droit d’auteur est de conférer à l’auteur d’une œuvre originale de l’esprit un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. En vertu de ce droit exclusif, toute atteinte à l’œuvre, de quelle que nature que ce soit, ne peut être effectuée sans le consentement préalable de son auteur.
Ainsi, le droit au respect de l’intégrité l’œuvre consacré par l’article L.121-1 du Code de la Propriété Intellectuelle impose qu’une œuvre emprunte de la personnalité de son auteur ne peut en principe faire l’objet d’une modification matérielle sans l’accord exprès de son auteur. Par un arrêt du 20 décembre 2017, la Cour de cassation vient consacrer une limite à ce droit exclusif de l’auteur : la modification d’une œuvre architecturale, si elle ne porte pas atteinte aux droits de son auteur, peut se faire sans son accord.
Une œuvre architecturale originale est protégeable au titre des droits d’auteur comme le serait toute autre œuvre littérale et artistique. Cependant, et contrairement à une œuvre purement esthétique, l’œuvre architecturale a une finalité fonctionnelle qui résulte du fait qu’un bâtiment, en plus d’être original, peut constituer un lieu d’habitation, de travail ou d’accès à la culture. En l’espèce, l’œuvre architecturale destinée à recevoir les collections du « Musée de l’Arles antique » avait été réalisée par un architecte pour le compte d’un département, lequel a fait entreprendre, sans l’accord de l’architecte, des travaux d’extension de ladite l’œuvre afin d’y exposer un bateau de commerce gallo-romain.
La finalité fonctionnelle de l’œuvre architecturale impose qu’il faille concilier le droit au respect de l’architecte avec le droit du propriétaire de l’œuvre. La méthode mise en œuvre par les juges est celle du contrôle de proportionnalité: il faut accepter de limiter un droit fondamental (le droit d’auteur) mais de façon justifiée et proportionnée. La Cour de cassation vient ici valider le raisonnement de l’arrêt du 7 janvier 2016 rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ayant débouté l’architecte. Pour préserver l’équilibre entre les prérogatives de l’auteur et celles du propriétaire de l’œuvre architecturale, les modifications apportées ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire à l’adaptation de l’œuvre à des besoins nouveaux et ne doivent pas être disproportionnées au regard du but poursuivi. En l’espèce, la découverte du bateau datant de l’époque romaine déclaré “trésor national” ainsi que de sa cargaison, et la nécessité d’exposer cet ensemble dans le musée considéré, caractérisent l’existence d’un besoin nouveau qui, pour être satisfait, commandait la construction d’une extension, dès lors que l’unité qui s’attachait au bâtiment muséal, excluait l’édification d’un bâtiment séparé. L’extension réalisée modifie la construction d’origine mais reprend néanmoins les couleurs originelles, blanche des murs et bleue des façades, et qu’il n’est pas démontré qu’elle dénature l’harmonie de l’œuvre.
Le droit au respect de l’œuvre fait donc l’objet d’une application à géométrie variable selon la finalité de ladite œuvre. En matière d’œuvre architecturale, l’architecte ne peut imposer une intangibilité absolue des lieux qu’il a réalisé et doit supporter des atteintes à ses droits lorsque celles-ci sont justifiées et proportionnées.