Des précisions quant au sort des titres de propriété industrielle face au BrexitL’acquis communautaire le plus fort en matière de propriété intellectuelle demeure très certainement la territorialité régionale des droits de l’Union issue des règlements n°2017/ 1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne et n°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires. Etendant une territorialité à l’origine nationale, à une territorialité de l’Union européenne, ces règlements témoignent de la construction progressive, mais de plus en plus manifeste d’un droit « européen » de la propriété intellectuelle à part entière. Ainsi, les titulaires de droits de l’Union pouvaient jusqu’alors prétendre, grâce à l’effet unitaire, à une protection de leur titre élargie aux vingt-huit Etats membres. Cependant, la notification britannique, en date du 29 mars 2017, annonçant l’intention du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, vient mettre à mal cette construction normative. En effet, malgré la potentielle subsistance de certains acquis européens au travers des lois locales de transposition des directives qui, elles, continueront de s’appliquer, l’effet majeur d’un tel retrait sera de mettre fin à l’application directe des règlements européens au sein du Royaume-Uni. On ajoutera que la pérennité des acquis absorbés par le droit britannique doit être relativisée dès lors que ces derniers, désormais encadrés et garantis à l’échelle nationale, seront davantage exposés à de potentiels amendements au nom des intérêts locaux. On tiendra à préciser que les brevets européens, ne seront pas directement touchés par le retrait du Royaume-Uni dans la mesure où la Convention sur le Brevet Européen (CBE) ne relève pas de l’ordre juridique de l’Union européenne. La Commission européenne, dans un avis publié le 1er décembre 2017 confirmait que le droit européen applicable aux Etats membres de l’Union en matière de marques et de dessins et modèles cesserait purement et simplement de s’appliquer au Royaume-Uni à compter du 30 mars 2019, conformément à l’article 50(3) du Traité sur l’Union européenne. On regrettait alors, pour des questions de sécurité juridique, principalement, l’absence d’un accord de retrait permettant une transition organisée et efficace.

La situation a évolué ce lundi 19 mars 2018. L’Union européenne et les Britanniques se sont, en effet, entendus sur les termes d’un accord transitionnel tant attendu.  Celui-ci, sans pour autant modifier de manière substantielle les conséquences juridiques engendrées par le retrait, prévoit de reporter la prise d’effet de celui-ci au 1er janvier 2021.  Un tel report est le bienvenu en ce qu’il permettra aux titulaires de droit de l’Union d’anticiper plus sereinement la restriction du champ de protection afférente à leurs droits. Au titre de ces dispositions transitoires a été envisagé, à l’article 50 du “ Draft Agreement on the withdrawal of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland from the European Union and the European Atomic Energy Community », publié le 19 mars 2018 par le gouvernement britannique, un mécanisme juridique permettant la transformation automatique des titres de l’Union, effectifs avant le 31 décembre 2020, en droits nationaux britanniques considérés comme équivalents. Un tel système s’avère opportun dans la mesure où, bénéficiant aux titulaires de droits, il permettra de pallier à la restriction du champ de protection unitaire « d’origine ». Attention toutefois, la mise en œuvre d’un tel mécanisme demeure, à l’heure actuelle, encore incertaine. Concernant le droit de priorité, a été prévue à l’article 55 de l’accord de retrait, la possibilité de procéder au dépôt d’une marque dessin ou modèle britannique équivalent à un titre de l’Union dont la demande d’enregistrement est intervenue dans les neuf mois suivant la fin de la période de transition, soit jusqu’au 30 septembre 2021. Aussi, aux termes de l’article 52 les titres de propriété industrielle acquis dans le cadre des systèmes de Madrid et de la Haye désignant l’Union européenne avant la fin de la période de transition, conserveront leur protection au sein du Royaume-Uni.

En conclusion, il est nécessaire de garder à l’esprit que les marques, dessins et modèles de l’Union en cours d’enregistrement au-delà du 31 décembre 2020 ne couvriront que les vingt-sept Etats membres excluant de ce fait le Royaume-Uni. Aussi, au vu de l’incertitude planant autour de la mise en œuvre du mécanisme de transformation automatique des titres de l’Union en titres équivalents britanniques, il est vivement conseillé aux titulaires de marque de l’Union ou de dessins ou modèles communautaires, d’anticiper en effectuant, parallèlement d’un dépôt auprès de EUIPO, un dépôt auprès de l’Office de la propriété intellectuelle britannique (UKIPO) , le risque étant cependant de se retrouver titulaire de deux titres couvrant le Royaume-Uni en 2021.