Après de nombreux reports, le gouvernement canadien a finalement arrêté la date d’entrée en vigueur des dispositions introduites par le « Règlement sur les marques » ou « Trademark Regulations ».

En effet, le gouvernement canadien a récemment publié le Règlement au sein de la Gazette officielle. Cet acte constitue la dernière étape formelle avant l’entrée en vigueur des différentes dispositions modifiant profondément le droit des marques canadien et est issu du « Trademark Act » de 2014.

Ainsi, l’entrée en vigueur de ce règlement et des différentes dispositions qu’il implique a été fixé au 17 juin 2019.

Les modifications de la législation canadienne, relatives au droit des marques, ont un impact majeur et pratique sur toutes les étapes de la vie d’une marque canadienne, ce qui a nécessairement fait couler beaucoup d’encre.

Les principales de ces modifications sont énoncées ci-dessous et peuvent être divisées en deux catégories :

 

I/ Dispositions principales

 

  1. L’élargissement des types de marques susceptibles d’être déposées

La palette des différents types de marques qu’il sera possible de déposer au Canada a été élargie. En effet, pourront alors être déposées des marques composées uniquement d’une couleur, une odeur, une texture ou encore un goût.

Toutefois, il est opportun de noter que pour la première fois l’Office de la propriété intellectuelle canadien (« CIPO » – Canadian Intellectual Property Office) examinera la distinctivité des demandes de marques qui lui seront présentées. A cet égard, l’office aura la possibilité de demander aux déposants de tels signes de fournir la preuve de la distinctivité de ces derniers.

Un tel examen, surtout appliqué à des marques « non-traditionnelles », risque de rendre l’examen de ces signes ardu et l’enregistrement de ces derniers plus difficile dans la pratique.

Dans tous les cas, si l’horizon des différents types de marque qu’il est possible de déposer a été élargi, les possibilités réelles de ces dépôts ne pourront être appréhendées qu’une fois que les premières marques « non-traditionnelles » auront été enregistrées. Il sera alors possible de mieux appréhender, au fur et à mesure des différents cas, ce qui sera accepté ou non par l’office.

 

  1. Le classement des produits et services devra désormais être effectué au regard de la classification de Nice

Tout nouveau dépôt de marque devra désormais désigner des produits et/ou services au regard de la classification de Nice, issue de l’Arrangement de Nice et désormais adopté par le Canada.

L’ensemble des demandes de marques faites avant la date d’entrée en vigueur du « Règlement sur les marques » canadien et dont les produits et/ou services ne sont pas en conformités avec la classification de Nice seront suspendues jusqu’à ce que le libellé de ces demandes soient modifiés en fonction de cette dernière.

En conséquence, il ne peut qu’être conseillé de rédiger un libellé en fonction de la classification de Nice pour ce qui est des nouveaux dépôts afin d’éviter de rallonger la procédure d’enregistrement de la demande de marque canadienne en question.

 

  1. Suppression des motifs basant un dépôt

A compter de l’entrée en vigueur du Règlement, il n’est plus nécessaire de fournir un motif au dépôt d’une demande de marque canadienne. En effet, tout déposant qui utilise ou qui projette d’utiliser une telle marque pourra procéder au dépôt sans qu’il ne soit nécessaire de faire une déclaration à cet égard au moment de ce dépôt.

Cela va ainsi de pair avec la suppression de l’obligation de fournir une déclaration d’usage.

 

  1. Possibilité de revendiquer la priorité à partir de toute demande antérieure

A partir du 17 juin 2019, une revendication de priorité pourra être faite à partir de toute demande antérieure, et n’est plus cantonnée uniquement à la demande de marque du pays d’origine du déposant.

 

  1. Suppression de l’obligation de fournir une déclaration d’usage

L’une des dispositions les plus remarquée du « Règlement sur les marques » canadien est la suppression de l’obligation de fournir une déclaration d’usage.

Ainsi, et à partir du 17 juin 2019, une demande de marque ayant été acceptée à l’examen pourra être enregistrée dès que le déposant aura acquitté les droits d’enregistrement de ladite marque.

Cette modification implique nécessairement des économies pour les déposants de marque canadienne dans la mesure où la prolongation de l’échéance pour fournir la déclaration ainsi que la rédaction et le dépôt de ces déclarations d’usage ne seront plus nécessaires.

Ce qu’il est opportun de relever c’est que cette nouvelle disposition s’appliquera entièrement dès la date d’entrée en vigueur du règlement.

Ainsi, si la demande de marque a été déposée avant le 17 juin 2019, le titulaire de cette dernière a la possibilité de prolonger son délai pour déposer la déclaration d’usage jusqu’à cette date. Dans cette hypothèse, le déposant ne sera alors plus dans l’obligation de fournir ladite déclaration d’usage.

 

  1. Adaptation du montant des taxes d’enregistrement en fonction du nombre de classe visée

Les taxes d’enregistrement pour les marques canadiennes vont ainsi dépendre du nombre de classe visée. Ces frais seront de 300 $ canadiens pour la première classe et de 100 $ canadiens par classe supplémentaire pour une demande en ligne, à la place des 250 $ canadiens actuels. Ces frais étaient d’ailleurs fixes, peut important le nombre de classe visée. Les frais d’enregistrement pour un dépôt papier seront plus élevés.

En pratique, les marques déposées après le 17 juin 2019 seront soumises à ces nouvelles taxes.

Dans la mesure où cela implique nécessairement une augmentation des frais de dépôts d’une marque canadienne, il peut être opportun de procéder aux dépôts envisagés en plusieurs classes avant l’entrée en vigueur du Règlement.

 

  1. Possibilité de diviser une demande de marque

Une autre possibilité offerte par le « Règlement sur les marques » canadien est la division d’une demande de marque. En effet, une fois ce Règlement entré en vigueur, un déposant aura la possibilité de diviser une demande de marque en différentes classes, en différents produits et services, puis de fusionner par la suite les enregistrements préalablement divisés.

Cette division peut être très avantageuse notamment lorsqu’une opposition a été formée à l’encontre d’une partie des produits et services désignés par la demande de marque ou encore lorsqu’une objection provisoire émise par l’office canadien ne vise qu’une partie de ces derniers.

Ainsi, il sera possible d’obtenir l’enregistrement des produits et / ou services qui ne sont pas visés par de telles procédures dans un premier temps. Dans un second temps, et dans l’hypothèse où la demande de marque est acceptée pour les autres produits et services, alors un second enregistrement sera effectué.

 

  1. Adhésion du Canada au Protocole de Madrid

L’adhésion du Canada au Protocole de Madrid constitue un changement important dans la mesure où il sera désormais possible de désigner ce territoire dans le cadre du dépôt d’une marque internationale.

Dans la pratique, cela va ainsi nécessairement impliquer une augmentation du nombre de marques enregistrées au Canada.

 

  1. Suppression de l’exigence de preuve pour ce qui est des inscriptions de cessions et de fusions

Plus aucun document ne sera demandé afin de prouver une cession ou une fusion dans le cadre de l’inscription de ces actes. Bien sûr, l’office canadien des marques pourra toujours demander une telle preuve, mais cette dernière ne sera plus nécessaire au moment de l’inscription.

En outre, il ne sera plus nécessaire d’inscrire ladite cession ou fusion dans le cadre de marques considérées comme liées.

 

  1. Modification de la durée de vie d’une marque

La durée de vie d’une marque canadienne sera désormais de 10 ans, et non plus de 15 ans.

Ici encore, les taxes de renouvellement seront calculées en fonction du nombre de classes faisant l’objet de ce renouvellement. Ces derniers se porteront à 400 $ canadiens pour la première classe et à 125 $ canadiens par classe supplémentaire.

Ces nouveaux droits de renouvellement pourront être payés à partir du 17 juin 2019 et au plus tôt 6 mois avant la date d’échéance de la marque.

Dans le prolongement de l’adhésion du Canada à l’Arrangement de Nice, il est prévu que les marques faisant l’objet d’un renouvellement doivent se conformer à la classification de Nice et par conséquent, les titulaires de marque devront modifier leurs produits et services en fonction de cette dernière.

 

  1. Possibilité d’informer l’office canadien de l’existence de droits de tiers

Le « Règlement sur les marques » offre en effet la possibilité d’informer l’office canadien des marques, lors de l’examen d’une demande, de l’existence de droits antérieurs détenus par des tiers.

Jusqu’ici, l’office ne prenait en compte une telle demande que dans le cadre d’une procédure d’opposition, et non au stade de l’examen de la demande de marque.

Un tel outil peut s’avérer utile afin de protéger les droits d’un titulaire de marque et éviter d’engager une procédure d’opposition.

 

II/ Dispositions transitoires

La date d’application de certaines dispositions pose question, ainsi, des dispositions transitoires ont été prises, et notamment :

 

  1. L’examen du caractère distinctif d’une marque s’appliquera à toutes les demandes de marque en cours

En effet, et selon le Règlement, le caractère distinctif d’une marque sera examiné au regard de l’ensemble des demandes de marque en cours d’examen au moment de son entrée en vigueur et qui n’auront pas encore été approuvées.

Ainsi, peu importe que ladite demande de marque ait été déposée avant ou après le 17 juin 2019, l’ensemble des demandes seront examinée au regard de leur distinctivité. En pratique, cela englobe un nombre très important de demandes, qui ne fera d’ailleurs que s’accroître au fur et à mesure des mois.

 

  1. Modifications des délais de réponse

Certains des délais de réponse à l’office, en cas de refus provisoire à l’enregistrement notamment, ont été modifiés.

A cet égard, il est important de relever que ces nouveaux délais s’appliquent uniquement aux objections émises après la date d’entrée en vigueur du règlement. Les objections émises avant cette date ne verront pas leurs délais modifiés.

 

  1. Les motifs d’opposition actuels s’appliqueront aux procédures déposées avant l’entrée en vigueur du règlement

Les fondements actuels d’une opposition au Canada pourront être soulevés pour toute procédure formée avant l’entrée en vigueur du Règlement, et ce, même dans l’hypothèse où le délai d’opposition expire après l’entrée en vigueur. C’est également le cas pour les demandes de marques publiées avant cette date.

Les oppositions pourront alors encore être fondées par exemple sur les motifs basant le dépôt, qui n’existeront plus à compte de l’entrée en vigueur dudit Règlement.

En conséquence, les demandes de marques qui auront été publiées ainsi que, logiquement, les oppositions déposées postérieurement à l’entrée en vigueur du Règlement pourront avoir de nouveaux fondements comme par exemple le fait que le titulaire de la demande n’utilise pas ou n’a pas l’intention d’utiliser sa marque.

 

Le but du « Règlement sur les marques » canadien est de simplifier les dépôts de demandes de marques canadiennes mais également de permettre à un plus grand nombre d’entreprises d’avoir accès à une protection sur ce territoire par l’intermédiaire d’un droit de marque.

La contrepartie de la simplification des démarches et de la suppression de l’exigence de dépôt d’une déclaration d’usage, est le risque de l’augmentation des comportements parasitaires et de comportement frauduleux de tiers qui déposent des marques uniquement dans la mesure où elles sont disponibles, sans intention d’usage.

D’autres changements sont par ailleurs annoncés et seront la conséquence de l’entrée en vigueur de l’Accord entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada ainsi que de la loi budgétait C-86, qui prévoit de nouvelles dispositions sur le droit des marques canadien.

Comme tout changement de législation, l’application en pratique des différentes dispositions nouvellement apportées par la publication à la Gazette officielle du « Règlement sur les marques » se fera à la lumière de l’interprétation de ces dernières par les personnes compétentes, notamment pour ce qui est de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque.