C’est à l’issue d’une longue procédure que la Cour de cassation, dans son arrêt rendu par la chambre commerciale le 14 novembre 2018, a retenu qu’il n’existait pas de risque de confusion entre la marque antérieure ECOLAB et la marque contestée KAIROS ECOLAB.

La société Ecolab USA Inc., titulaire de la marque antérieure ECOLAB, avait formé opposition à la demande d’enregistrement de la marque française KAIROS ECOLAB par la société KAIROS. La société Ecolab USA Inc. se basait pour cela sur sa marque verbale internationale ECOLAB désignant l’Union Européenne déposée le 6 avril 2009. La société bénéficiait, de plus, d’une priorité d’un dépôt allemand en date du 26 novembre 2008.

La marque KAIROS ECOLAB a été déposée par la société SARL Kairos qui possède un laboratoire écologique pour lequel elle utilise ladite marque KAIROS ECOLAB.

L’opposition formée par la société Ecolab USA Inc. avait été rejetée par le Directeur général de l’INPI le 8 août 2013.

La Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 25 avril 2017, rendu sur renvoi après cassation, avait à nouveau rejeté l’opposition de la société Ecolab USA Inc. en démontrant qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques ECOLAB et KAIROS ECOLAB. La société Ecolab USA Inc. a formé un pourvoi en cassation de cette décision.

Dans son arrêt, la Cour de cassation vient préciser l’appréciation du risque de confusion lorsque nous nous trouvons en présence d’une marque antérieure composée d’un terme (ici Ecolab), et d’une marque postérieure composée d’une juxtaposition de ce même terme (Ecolab), et d’un terme nouveau correspondant à la dénomination sociale du déposant (Kairos).

Elle rappelle  que le Code de la propriété intellectuelle dans son article L713-3 sous b) interdit l’imitation d’une marque et son usage, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public.

De plus, la Cour de Justice de l’Union Européenne dans son arrêt LIFE / THOMSON LIFE (C-120-04) avait interprété l’article 5 de la Directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 en ce sens qu’un risque de confusion peut exister dans l’esprit du public, en cas d’identité des produits ou des services, lorsque le signe contesté est constitué au moyen de la juxtaposition, d’une part, de la dénomination de l’entreprise du tiers et, d’autre part, de la marque enregistrée, dotée d’un pouvoir distinctif normal, et que celle-ci, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome.

La Cour de cassation a affirmé que la Cour d’appel avait violé l’article L713-3 du code de la propriété intellectuelle, en retenant que la marque « ECOLAB » ne conservait pas une position distinctive autonome au sein du signe « KAIROS ECOLAB ».

La Cour de cassation a néanmoins relevé que la marque contestée était composée de la juxtaposition de la marque antérieure et d’une dénomination sociale « Kairos ». Cette dénomination sociale ressort d’un terme parfaitement arbitraire placé en position d’attaque de la marque contestée et relève une valeur sémantique importante.

La Cour de cassation retient que « si le terme « Ecolab » est doté d’un caractère distinctif propre évoquant un laboratoire écologique, cependant, le terme « Kairos », parfaitement arbitraire, qui reprend la dénomination sociale de la société éponyme et se trouve placé en position d’attaque, a une valeur sémantique importante qui s’ajoute à celle du terme « Ecolab » pour former un ensemble conceptuellement différent de la marque antérieure renvoyant au laboratoire écologique de la société Kairos, précisément identifié, de sorte qu’il constitue une unité ayant un sens différent par rapport au sens des dits éléments pris séparément ».

En conséquence, la juxtaposition de la dénomination sociale « Kairos » au terme « Ecolab » forme un ensemble conceptuellement différent, « KAIROS ECOLAB », par rapport à la marque antérieure « ECOLAB ». Il n’y aura donc pas de risque de confusion dans l’esprit du public entre les deux marques et celui-ci ne pourra donc pas croire que la marque contestée serait une déclinaison ou une adaptation de la marque antérieure.

Il convient alors de retenir que même s’il existe une identité ou une similitude entre les produits et services, une telle juxtaposition, dès lors qu’elle forme un ensemble conceptuellement différent par rapport à la marque antérieure, permettra d’écarter le risque de confusion dans l’esprit du public et des consommateurs. La juxtaposition pourra alors être déposée auprès de l’INPI en tant que marque pour les produits et services qu’elle désigne