En France, la transposition de la Directive du 16 décembre 2015 (2015/2436 UE) suit son cours. Le projet d’ordonnance, publié le 15 février dernier, prévoit de nombreuses modifications au Code de la Propriété Intellectuelle. Nous nous intéresserons ici aux motifs de refus d’une demande d’enregistrement de marque, élargis par le projet.
En l’état actuel du droit, l’article L. 711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle énonce trois motifs permettant le refus d’une demande d’enregistrement :
« Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :
- a) Exclu par l’article 6 ter de la convention de Paris en date du 20 mars 1883, révisée, pour la protection de la propriété industrielle ou par le paragraphe 2 de l’article 23 de l’annexe I C à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce ;
- b) Contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, ou dont l’utilisation est légalement interdite ;
- c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. »
Le paragraphe c) fait ici référence aux armoiries, drapeaux ou emblèmes d’un État de l’Union Européenne, ainsi qu’aux signes contenant une indication géographique identifiant des vins ou des spiritueux, dès lors que les produits désignés n’ont pas réellement cette origine.
Le projet de transposition de la directive 2015/2436 UE apporte des modifications à cet article, bien établi en droit français. Ainsi, si l’atteinte aux bonnes mœurs ou à l’ordre public, la tromperie sur la nature, la qualité ou la provenance du produit ou service, ou bien encore l’utilisation d’emblèmes étatiques resteraient des motifs de refus d’une demande d’enregistrement de marque, le projet d’ordonnance modifie l’article L. 711-3 et y ajoute d’autres motifs de refus.
Les appellations d’origine et indications géographiques
Conformément à l’article L. 711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, une demande d’enregistrement de marque peut être refusée si le signe est, ou bien contient, une indication géographique identifiant faussement l’origine des vins ou des spiritueux.
Ce motif est conservé par le projet d’ordonnance, mais il est reformulé et étendu. Ainsi, le refus d’une demande d’enregistrement pourra désormais se fonder sur les mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties, qui renvoient notamment aux méthodes de production, d’élaboration, d’exploitation et de vieillissement du vin ou bien à sa qualité.
En outre, l’existence antérieure d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique pourra justifier, à elle seule, le refus d’une demande d’enregistrement de marque. L’article L. 711-4 permet déjà d’invoquer une appellation d’origine ou une indication géographique antérieure pour contrer l’enregistrement d’une marque postérieure dans une procédure d’opposition. nouvelle rédaction de l’article L. 711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle vient donc renforcer la protection accordée aux appellations d’origine et aux indications géographiques et témoigne ainsi de leur importance économique.
Les dénominations de variétés végétales antérieures enregistrées
Le droit français protège les variétés végétales par la délivrance d’un titre : le certificat d’obtention végétale (Article L. 623-4 du Code de la Propriété Intellectuelle). Cependant, le Code de la Propriété Intellectuelle ne fait aucun lien explicite entre cette protection et l’enregistrement d’une marque. Protéger une marque reproduisant les caractéristiques d’une plante nouvelle n’est donc pas possible.
Désormais, l’existence d’une variété végétale antérieure dûment enregistrée constituerait un motif de refus d’enregistrement d’une marque nouvelle qui reprendrait ses caractéristiques principales ou sa dénomination (article L. 711-3 modifié). Par conséquent, à l’instar des appellations d’origine et des indications géographiques, le dépôt de la marque sera bloqué dès le début de la procédure.
Le déposant de mauvaise foi
La Directive « Paquet Marques » laisse aux États la possibilité de refuser une demande d’enregistrement en raison de la mauvaise foi du déposant. Le gouvernement français a usé de cette possibilité dans son projet d’ordonnances et a introduit ce nouveau motif de refus à l’article L. 711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Le texte est clair à cet égard mais, en revanche, laisse la question de l’interprétation de la notion de « mauvaise foi » sans réponse. La définition de cette notion est ainsi laissée à la libre appréciation des représentants de l’INPI. C’est au fur et à mesure des décisions que les contours de cette mauvaise foi seront précisés. Dans le cadre de procédures d’annulation, la Cour de cassation s’est déjà prononcée sur le sens à donner à cette notion. Il en ressort que la mauvaise foi est un élément subjectif, qui est apprécié au moment du dépôt et déterminé par rapport à l’ensemble des faits. Le déposant devra avoir l’intention de faire obstacle à l’utilisation d’une marque antérieure, en méconnaissance des intérêts de son titulaire. Autrement dit, il s’agit de caractériser une intention de nuire. (Cass. Com., 3 Février 2015 n°13-18025)
Afin de caractériser cette mauvaise foi au jour de la demande d’enregistrement, on peut donc supposer que l’intention du déposant d’agir frauduleusement et sa connaissance de l’existence d’un droit antérieur joueront également un rôle. Cependant, il n’est pas possible de limiter la mauvaise foi au cas où le demandeur chercherait à s’approprier la marque d’autrui. La mauvaise foi peut également faire référence aux situations où un déposant souhaite empêcher le dépôt d’autres marques. Le refus d’enregistrement de la marque permet donc également de lutter contre le parasitisme et la concurrence déloyale.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le refus d’enregistrement est prononcé, en France, par un représentant de l’INPI. Ce dernier interprétera la mauvaise foi au cas par cas et en toute indépendance.
En somme, les motifs de refus introduits par les ordonnances du « Paquet Marques » ne sont pas négligeables. Ils étendent la marge de manœuvre accordée à l’INPI dès le début de la procédure d’enregistrement. Ces changements mettent l’accent sur le développement des indications géographiques, des appellations d’origines et des obtentions végétales afin de prendre en compte la réalité économique.
A suivre…