Pour le plus grand plaisir de nos papilles, saveurs et créations gastronomiques font partis de notre quotidien. Au regard du droit, la situation est plus délicate et la saveur plus amère. En effet, la nécessité d’une protection des créations culinaire fait consensus mais, pour ce faire, le droit de la propriété intellectuelle n’envisage que des moyens dérivés.
Comme nous l’avons vu dans un précédent article, les recettes de cuisine peuvent être protégées par le droit d’auteur, l’esthétique de la création est couverte par les dessins et modèles, les techniques innovantes mise en œuvre lors de la réalisation de la création donnent lieu à une protection par brevet et le nom de la création peut-être déposé à titre de marque. Aucune de ces solutions ne portent sur les créations en elles-mêmes. Par ailleurs, des conditions contraignantes doivent être remplies, ce qui est rarement le cas en pratique. Dans ces circonstances, la solution la plus adaptée semble être une protection par le droit d’auteur qui a vocation à protéger une création originale quelle que soit sa forme d’expression (Article L. 112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle). Néanmoins, la jurisprudence européenne (CJUE, 13 nov. 2018, « Levola », C 310/17) a refusé la protection de saveurs par ce biais. La Cour de cassation a adopté une position similaire en matière de fragrances (Cass. Com., 10 décembre 2013, n°19872). En somme, face aux créations culinaires, le droit reste sans voix.
Désireux de combler ce vide juridique, plusieurs députés ont déposé à l’Assemblée Nationale une proposition de loi n° 1890 relative à la protection des recettes et créations culinaires le 30 avril 2019.
Le texte vise principalement à clarifier la situation des recettes traditionnelles d’une part et des créations culinaires d’autre part.
Ainsi, la création d’une nouvelle institution, la Fondation pour la gastronomie française, est envisagée. Personne morale de droit privé sans but lucratif, elle serait en charge de répertorier, protéger les recettes traditionnelles afin d’identifier les restaurateurs respectant ces dernières. Le but est de promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur de la gastronomie française tout en rassurant les consommateurs.
En outre, la proposition de loi prévoit la création d’un établissement public, l’institut national de la création culinaire certifiée (INCC), pour assurer la protection des créations culinaires. Pour une durée de 20 ans, il délivrerait un nouveau titre de propriété industrielle : le certificat de création culinaire. Hybride entre le droit d’auteur et les droits de propriété industrielle, ce titre comprend des droits patrimoniaux ainsi que trois droits moraux (Droit de divulgation, droit au nom, droit au respect de la création culinaire).
Les conditions pour à l’octroi d’un tel certificat sont les suivantes :
- la création doit être nouvelle par rapport à un état de l’art culinaire;
- l’existence d’une activité créatrice, ne découlant pas d’une manière évidente de l’état de l’art pour un homme du métier;
- un caractère gustatif propre.
La proposition de loi exclue de la protection un certain nombre de productions telles que les créations comportant des éléments du corps humain, des stupéfiants ou des créations portant atteinte aux bonnes mœurs. Le texte prévoit également l’existence d’un régime spécifique pour les créations des salariés, proche de celui prévu en matière de droit d’auteur, ainsi qu’une procédure d’opposition d’une durée de deux mois à compter de la publication de la demande. Sans surprise, toute atteinte à ce nouveau droit de propriété constituerait un acte de contrefaçon.
Mélange de droit des marques et droit d’auteur, cette proposition de loi ne convainc pas. Les chefs cuisiniers ne semblent pas réclamer une telle protection et la mesure profitera probablement en majorité aux industries de l’agroalimentaire. Désormais, ladite proposition de loi a été renvoyée à la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Affaire à suivre donc.
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