Les entreprises spécialisées dans le domaine de l’audiovisuel requièrent souvent la protection
des titres de leurs programmes par le droit des marques. Cette protection présente évidemment des avantages considérables pour l’entreprise, mais il est nécessaire de prendre en considération les limites d’une telle protection.
- Les avantages de la protection par le droit de marque
D’une part, il convient de prendre en considération la durée de protection d’un titre, par le droit des marques. En effet, le droit des marques octroie, dans un premier temps, une protection de 10 ans, renouvelable de manière infinie (Art L712-1 CPI). Ainsi, dès lors que le titulaire effectue une demande de renouvellement dans les temps impartis, la marque peut être protégée pour une durée considérable. Le droit d’auteur, quant à lui peut certes, octroyer une protection allant jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur de l’œuvre, mais les garanties de protection sont moins évidentes en raison de l’absence d’enregistrement des droits d’auteur.
D’autre part, il convient de faire un parallèle entre le droit des marques et le droit d’auteur. Si le droit d’auteur impose une condition d’originalité (Art L112-4 CPI), le droit des marques impose un caractère distinctif (Art. L711-2 CPI). Ainsi, dès lors que le titre d’une émission ou d’un programme est distinctif et garantit l’une des fonctions de la marque (surtout la garantie d’origine), il pourra être protégé. A l’inverse, pour le droit d’auteur, il faut prouver l’originalité, dont la preuve est plus difficile à rapporter. Etant donné qu’il n’y a pas de dépôt pour le droit d’auteur, la condition d’originalité ne pourra être démontrée qu’à l’occasion d’un litige. Ainsi, la protection par le droit d’auteur n’est jamais certaine.
Un titre pourra donc être protégé par le droit des marques dès lors qu’il ne désigne pas directement les produits et services désignés à l’enregistrement. Ainsi, si le titre est arbitraire, rien ne s’oppose à ce qu’il bénéficie de cette protection. Enfin, il convient de rappeler que la protection par le droit des marques n’est pas un obstacle à la protection par le droit d’auteur ; il est ainsi possible de cumuler les deux protections.
- Les limites de la protection par le droit de marque
Des limites à la protection des titres de programmes audiovisuels par le droit des marques sont tout de même à noter. En effet, la protection conférée par le droit de marque octroie un monopole sur l’utilisation des termes déposés (Art L-713-1 CPI) et donc le droit de s’opposer à l’usage par des tiers. Cependant, à ce titre, il conviendra de prouver :
- L’usage du signe par un tiers, à « titre de marque »
Dans un premier temps, il convient de prouver que l’usage du titre, par un tiers, a été fait « à titre de marque ». Pour illustrer ce concept, nous pouvons évoquer l’arrêt rendu au sujet de la série « Le Bureau des Légendes ». En l’espèce, le TGI de Paris a rejeté l’action en contrefaçon intentée à l’encontre de l’auteur d’un livre, utilisant le titre, consacré à l’étude de la série. Il ne s’agissait donc pas, ici, de faire référence aux produit et services visés à l’enregistrement, mais une simple référence à la série, en tant que telle (TGI Paris, réf., 16 Avril 2018, n°18/53176). L’usage à titre de marque aurait par exemple pu être démontré dans le cadre de la vente de produits dérivés liés à la série.
- Un usage commercial du signe
Deuxièmement, pour s’opposer à l’usage de son signe, le titulaire doit rapporter la preuve d’un usage commercial. Cela signifie qu’il ne suffit pas de prouver une référence faite au titre. L’usage doit avoir lieu dans la vie des affaires, et non seulement à titre d’illustration. Il doit exister un véritable lien commercial entre le signe et l’usage qui en est fait par un tiers.
- Un risque de confusion dans l’esprit du public
Enfin, il convient de démontrer le risque de confusion dans l’esprit du public. L’usage du signe doit semer un doute pour les consommateurs quant à l’origine des produits et services visés. En effet, la marque a vocation à garantir notamment l’origine des produits et services. Ainsi, l’usage du signe par un tiers doit avoir vocation à porter atteinte à cette garantie d’origine, et ainsi rompre le lien direct entre le signe et son titulaire.
A ce titre, les juges du fond ont considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion entre la marque « LE ZAPPING » de la société Canal + et la marque « LE Z#PPING DE LA TELE ». Au regard des preuves rapportées, et de l’impression d’ensemble, il n’y avait pas de risque de confusion possible. Les différences phonétiques et visuelles des deux signes suffisaient à évincer ce risque (CA Versailles, 12ème ch., 3 juillet 2018, n°18/02091).
Cependant, le titulaire d’une marque peut se voir opposer le principe de spécialité de la marque. En effet, une marque étant déposée pour des catégories précises de produits ou services, le titulaire ne peut alors s’opposer qu’à un usage du signe pour des catégories identiques ou similaires. Ainsi, si le signe est utilisé pour un domaine et des catégories totalement opposés, le titulaire ne saura opposer son droit sur le signe. Ce fut le cas pour la société Canal +, concernant sa marque « LE ZAPPING ». En effet, le caractère notoire de sa marque a certes été reconnu par les juges, mais seulement concernant le domaine des émissions de télévision. Ainsi, il ne lui était pas possible de s’opposer au dépôt d’une marque similaire pour d’autres catégories de produits et services.
- Conclusion
Le droit des marques octroie une protection supplémentaire au titre d’un programme audiovisuel. Il vient finalement compléter la protection que peut octroyer le droit d’auteur, mais d’une manière plus certaine, de par l’exigence d’un dépôt. L’intérêt de déposer un signe représentant le titre d’une œuvre audiovisuelle est donc d’acquérir une double protection, sur les deux fondements. Certes, les conditions à remplir aux fins de pouvoir agir en contrefaçon sur le fondement du droit des marques peuvent être difficiles à rapporter. Néanmoins, le droit des marques offre davantage de moyens d’action, et donc de réparation du préjudice dans le cas d’un usage injustifié par des tiers.
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