Depuis le 11 décembre 2019, la procédure d’opposition connaît un nouveau jour. Un point sur les nouveautés, changements et interrogations que les titulaires de marques peuvent soulever s’avère nécessaire.
Points essentiels sur la procédure d’opposition aux marques
Dès lors qu’une demande d’enregistrement de marque peut porter atteinte à un droit de marque antérieur, il est possible d’empêcher son enregistrement grâce à une procédure : l’opposition, qui est engagée directement auprès de l’INPI.
C’était le cas avant la réforme et cela ne change pas : l’opposition peut s’effectuer à l’encontre d’une demande d’enregistrement de marque française ou d’une marque internationale désignant la France.
Les délais à respecter, qui restent, eux aussi, inchangés, sont les suivants :
- Dans le cadre d’une demande d’enregistrement d’une marque française, il faut formuler sa demande d’opposition dans un délai de deux mois à compter de la publication de la demande d’enregistrement au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI).
- Dans le cadre d’une demande de marque internationale désignant la France, la demande d’opposition s’effectue dans un délai de deux mois à compter de la publication de l’enregistrement à la Gazette des marques internationales de l’OMPI.
Depuis le 11 décembre 2019, l’opposition de marques s’effectue par une nouvelle procédure.
Dans quelles situations applique-t-on la nouvelle procédure d’opposition ?
- A l’encontre des demandes d’enregistrement de marques françaises déposées à compter du 11 décembre 2019, pour les marques publiées au BOPI à compter du 3 janvier 2020.
- A l’encontre des désignations françaises dans le cadre de demande de marques internationales, publiées à la Gazette de l’OMPI à compter du 11 décembre 2020.
Dans quel but cette réforme a-t-elle été mise en place ?
Cette réforme a été mise en place dans le but de renforcer, d’une part, le principe du contradictoire, en permettant aux parties d’échanger et de confronter leurs arguments tout au long de la procédure ; et d’autre part, l’analyse des preuves d’usage de la marque antérieure
Quels sont les changements apportés par cette nouvelle procédure d’opposition ?
Si, vous souhaitez vous opposer à une demande d’enregistrement de marque déposée après le 11 décembre 2019, vous pouvez à présent :
- Fonder votre opposition sur des droits autres que des droits de marque (qui jusque-là n’étaient pas pris en compte) tels que les marques de renommée, dénominations ou raisons sociales, noms commerciaux, enseignes, noms de domaine ;
- Invoquer plusieurs droits antérieurs dans une même opposition (sous réserve de leur appartenance au même titulaire) ;
- Compléter votre opposition dans un délai d’un mois en produisant l’exposé des moyens sur lesquels se fonde l’opposition. A l’issue de ce délai, l’opposition est notifiée au titulaire de la demande d’enregistrement contestée. Attention, il est cependant impossible d’étendre la portée de son opposition pendant ce délai, que ce soit à d’autres produits ou services visés dans la demande initiale, ou à d’autres droits antérieurs.
- Sur les droits et motifs invocables
Quels sont les droits et motifs susceptibles de fonder une opposition ?
Avant la réforme, les droits et motifs qui permettaient de fonder une opposition étaient les suivants :
- Marque antérieure ;
- Indication géographique ou demande d’indication géographique protégée ou contrôlée ;
- Atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale.
A ceux-là, s’ajoutent avec la réforme :
- Atteinte à une marque de renommée ;
- Dénomination sociale;
- Nom commercial, enseigne et nom de domaine ;
- Atteinte à la renommée d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ;
- Nom d’une entité publique ;
- Marque déposée sans autorisation au nom de l’agent.
Est-ce que l’examen des preuves d’usage est plus approfondi ?
L’usage sérieux, ou le juste motif de non usage doit être rapporté pour chaque produit et service invoqué à l’appui de l’opposition. Ainsi, la marque antérieure ne sera réputée enregistrée que pour les produits ou services pour lesquels cette démonstration aura été faite. C’est à présent l’INPI qui procède à cet examen de la pertinence des preuves d’usage. Par le passé, seuls les tribunaux étaient compétents pour l’appréciation des preuves d’usage.
S’agissant des noms de domaine, depuis le RGDP les fiches whois sont anonymisées. Comment justifier que celui qui a fait la réservation a bien qualité pour former opposition sur le fondement de son nom de domaine ?
Si la fiche Whois est anonyme, il conviendra alors de fournir, en plus de cette dernière, tout document établissant l’existence et l’identité du titulaire du nom de domaine. Par exemple : attestation du bureau d’enregistrement ou facture de réservation du nom de domaine.
- Sur le déroulement de la procédure
Qu’est-ce qui change au niveau du déroulement de la procédure ?
Une phase d’échange, appelée également « phase d’instruction » a été mise en place. Elle débute avec la notification de l’opposition au déposant. Cette instruction peut comporter jusqu’à trois phases d’échanges entre les parties.
Désormais, la procédure n’est plus enfermée dans un délai de 6 mois. En revanche, elle est soumise au principe SVR (silence vaut rejet), dans un délai de 3 mois. Cela signifie que si, dans un délai de 3 mois suivant la fin de l’échange entre les parties, l’INPI n’a pas statué, l’opposition est rejetée.
La durée sera donc variable selon le nombre de réponses des parties mais ne pourra pas excéder 13 mois.
Quels sont les cas de suspension de la procédure ?
La suspension est possible dans plusieurs cas :
- Lorsque l’un des droits invoqués à l’appui de l’opposition n’est pas encore enregistré ou qu’il fait l’objet d’une action ;
- A l’initiative de l’INPI.
Pour les oppositions fondées sur plusieurs droits, c’est l’ensemble de la procédure qui est suspendue même si la suspension ne concerne qu’un des droits invoqués.
Il convient d’ajouter que la durée de suspension en cas de demande conjointe des parties s’allonge à 4 mois, renouvelables 2 fois, soit 12 mois au total, au lieu de 6 avant la nouvelle procédure.
- Sur le rôle de l’INPI
Comment évolue le rôle de l’INPI dans cette nouvelle procédure ?
Cette nouvelle procédure d’opposition renforce grandement le rôle de l’INPI.
Avant la nouvelle procédure, le rôle de l’INPI en matière d’examen des preuves d’usage était limité : en dehors des cas où le défaut d’usage était avéré, la procédure d’opposition n’était pas clôturée. L’INPI n’était pas juge de l’usage.
A présent, lorsque le déposant requerra des preuves d’’usage de la marque antérieure, l’INPI devra, pour chacun des produits et services invoqués à l’appui de l’opposition, apprécier et se prononcer sur leur caractère sérieux.
Cette réforme renforce le principe du contradictoire et par conséquent, la protection des droits des titulaires de marques.