Internet a changé la manière de commercer. Désormais, les agences publicitaires ne sont plus les seules à faire la promotion des produits de leur client, les influenceurs sont devenus à leur tour les interlocuteurs privilégiés des marques souhaitant faire connaître et vendre leurs produits. Si la démarche ne semble pas anormale, les actions en justice fleurissent contre ces personnes, pour contrefaçon de marques.
Dans une affaire récente Petunia Products, Inc. V. Rodan & Fields, et.al., la plaignante Petunia Products (« Petunia ») avait déposé une plainte pour contrefaçon de sa marque « BROW BOOST » à l’encontre de la société Rodan & Fields. Cette dernière avait confié à l’influenceuse Molly Sims la tâche de promouvoir son produit « Brow Defining Boost ». Le 6 août 2021, le juge fédéral Cormac J. Carney a rejeté la demande d’irrecevabilité de la plainte déposée par l’influenceuse, concernant la prétendue contrefaçon de marque, notamment parce que la plaignante avait réussi à démontrer que la promotion du produit litigieux pouvait induire le consommateur en erreur et créer un risque de confusion entre sa marque déposée, et le produit de la défenderesse.
Notamment, le juge avançait que la Federal Trade Commission (FTC) tenait une position selon laquelle les influenceurs et célébrités pouvaient voir leur responsabilité engagée pour de fausses publicités ou, à tout le moins, pour des publicités trompeuses. Le juge Carney a donc fait le parallèle avec l’affaire en question, et considéré que les propos d’un influenceur pouvait engager la responsabilité de ce dernier. En outre, et c’est là le point majeur de cette première décision du dossier, le juge a pris en considération le risque de confusion, clef de voûte de toute plainte pour contrefaçon de marque. En l’occurrence, ce risque était réel puisque qu’il s’agissait de produits en compétition directe, de deux entreprises concurrentes, agissant sur le même marché, avec un nom très similaire.
Il faut cependant nuancer cette décision, dans la mesure où le juge ne s’est prononcé que sur la demande d’irrecevabilité déposée par l’influenceuse.
Notion et rôle de l’influenceur
Il faut revenir sur ce qu’on entend réellement par « influenceur ». Dans ses conclusions relatives à l’affaire Maximilian Schrems v. Facebook Ireland Limited, l’avocat général Bobek définit les influenceurs comme des « utilisateurs quotidiens ordinaires d’Internet qui accumulent un assez grand nombre de followers (…) ». L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) quant à elle, définit l’influenceur comme « un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique (…) ». Elle ajoute : « un influenceur peut agir dans un cadre purement éditorial ou en collaboration avec une marque pour la publication de contenus (placement de produits, (…), diffusion d’un contenu publicitaire, etc.). ».
L’influenceur a donc le pouvoir d’orienter les choix des personnes qui le suivent, chose d’autant plus facile que les réseaux sociaux sur lesquels ils agissent sont de plus en plus simples d’utilisation et accessibles au plus grand nombre. C’est cette simplicité d’utilisation et de visionnage qui a conduit deux influenceuses américaines, Kelly Fitzpatrick et Sabrina Kelly-Krejci, à faire la promotion, sur Instagram et TikTok, de produits contrefaisants en vente sur la plateforme Amazon. Amazon a donc intenté une action judiciaire le 12 novembre 2020 à l’encontre des deux femmes pour promotion frauduleuse de produits contrefaisants.
Quelle responsabilité de l’influenceur ?
Tout d’abord, et le juge Conrey l’avait bien relevé dans sa décision, l’influenceur doit absolument faire figurer sur sa publication que la promotion de la marque résulte d’une collaboration.
En France, il s’agit aussi d’une recommandation de l’ARPP mais surtout d’une obligation légale, que la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 avait déjà formulée. Si l’influenceur peut échapper aux mailles du filet et ne pas être rendu coupable de contrefaçon de marque dans le cadre d’une collaboration (cela diffère s’il promeut de lui-même un produit contrefaisant), il pourrait en revanche se voir amender pour parasitisme, concurrence déloyale ou pratique commerciale trompeuse, tous trois sanctionnés au titre de l’article 1240 du Code civil.
Cependant et il est important de le noter, l’influenceur porte le poids de sa responsabilité concernant les informations qu’il diffuse ! Dès lors, si un requérant arrive à prouver que l’influenceur en question avait tout à fait conscience que le produit dont il faisait la promotion était en fait une contrefaçon, alors il y a fort à parier qu’un juge reconnaîtrait l’influenceur et la société l’ayant contacté, responsables de contrefaçon de marque, solidairement ou chacun à titre individuel. Encore une fois, le juge examinera également dans quelle mesure le produit dont la publicité est faite par l’influenceur pourrait engendrer une confusion dans l’esprit du public.
Le métier d’influenceur n’est donc pas sans risques et la lecture des contrats de partenariat conclus avec les entreprises doivent être examinés avec soin. Une recherche d’environnement est également essentielle, le produit à promouvoir ne devant en aucun cas attenter aux droits antérieurs d’une marque, qui plus est concurrente.
Le cabinet Dreyfus & associés est à votre disposition pour vous assister dans la sécurisation de ces projets.
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