La marque invoquée par le requérant ne doit pas nécessairement être protégée dans le pays du défendeur.
OMPI, Centre d’arbitrage et de médiation, affaire n°DCN2021-0004, Vente-privee.com v. 郑碧莲 Zheng Bi Lian).
Pour qu’une plainte UDRP prospère, il faut prouver un droit de marque similaire ou identique au nom de domaine, générant un risque de confusion. Ensuite, il faut établir l’absence de droit ou d’intérêt légitime du défendeur et enfin montrer qu’il a enregistré et utilisé le nom de mauvaise foi.
Pour mettre cette mauvaise foi en évidence, il faut principalement démontrer que le défendeur a connaissance des droits du requérant et que l’enregistrement litigieux vise ces droits. Être titulaire d’une marque protégée dans le pays où est établi le défendeur est donc un atout considérable. Pour autant, ce n’est pas une condition requise.
Vente-privee.com est une entreprise française de commerce électronique qui opère depuis 20 ans dans l’organisation de ventes événementielles de toutes sortes de produits et services à prix réduit, y compris de grandes marques.
Au début de l’année 2019, Vente-privee.com a engagé un processus d’unification de ses marques sous une seule et unique nouvelle dénomination : VEEPEE. Ce changement de marque a été largement promu à l’échelle internationale. Elle avait au préalable sécurisé des droits de marque sur le signe « VEEPEE » via un dépôt dans l’Union européenne en novembre 2017 et via une marque internationale déposée le même jour couvrant le Mexique, Monaco, la Norvège et la Suisse. Vente-privee.com détient également de nombreux noms de domaine correspondant à « VEEPEE » tels que <veepee.es>, <veepee.it>, <veepee.de> et <veepee.com>.
Ayant détecté l’enregistrement du nom de domaine <veepee.cn> réservé en 2018 par un réservataire basé en Chine, la société a déposé une plainte auprès du centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI en vue d’obtenir le transfert de ce nom.
Le risque de confusion a été facilement reconnu par l’expert, qui considère le nom de domaine identique aux marques antérieures de la requérante. A cette occasion, il rappelle que la marque n’a pas besoin d’être enregistrée dans un pays spécifique pour l’appréciation du risque de confusion.
Cela est d’ailleurs conforme à l’appréciation de l’Overview 3.0 de l’OMPI qui spécifie en sa section 1.1.2, citée par l’expert, qu’au vu de la nature internationale des noms de domaine et d’Internet, la juridiction dans laquelle la marque est protégée n’est pas pertinente pour l’analyse du premier critère. En gardant toutefois à l’esprit que ce facteur peut être important pour l’examen des autres critères.
S’agissant des droits et de l’intérêt légitime sur le nom de domaine, l’expert note que le défendeur n’a pas de relation commerciale avec la requérante et n’a reçu aucune autorisation de sa part de réserver le nom de domaine litigieux. Le défendeur n’ayant pas répondu à la plainte, l’expert estime que Vente-privee.com a établi que le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime à l’égard du nom de domaine litigieux.
Enfin, sur la mauvaise foi, l’expert insiste sur le caractère arbitraire de la dénomination VEEPEE : « VEEPEE est un mot inventé sans signification particulière en chinois ou en anglais » (traduction libre). Il souligne aussi le fait que le nom de domaine n’a pas été utilisé activement mais au contraire renvoie vers un site en anglais, accessible à tous, sur lequel il est en vente.
Dès lors, l’expert ordonne que le nom de domaine contesté <veepee.cn> soit transféré à la requérante.
Cette décision permet de rappeler qu’il convient de bien choisir les marques à faire valoir dans une plainte UDRP. Dans l’idéal, il convient de prouver un enregistrement dans le pays du réservataire, si possible antérieur au nom de domaine. A défaut d’avoir un enregistrement dans la juridiction concernée, il est important de démontrer que la marque est exploitée et connue en dehors des frontières de son enregistrement.
Dans le cas présent, l’on note d’ailleurs que le nom de domaine litigieux est certes postérieur aux marques de la requérante mais antérieur de près d’un an à l’opération de rebranding de Vente-privee.com. Cette information aurait pu nécessiter une analyse si le défendeur avait répondu à la plainte. Information que l’on aurait pu toutefois contrebalancer avec la date d’enregistrement du nom <veepee.com> (le <.com> ciblant l’international), très ancienne : 6 décembre 1999.
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