Selon les estimations d’Insider Intelligence, le nombre de spectateurs de compétitions eSport pourrait atteindre les quelques 29,6 millions mensuels à la fin 2022.
L’écosystème des ESports pourrait même dépasser le milliard de dollars de revenus cette année. L’agence d’étude NewZoo prévoit quant à elle que ce chiffre atteindra 1,8 milliard de dollars.
C’est certain, l’eSport a une grande valeur commerciale mais relève d’un secteur relativement nouveau. Ainsi, les droits de propriété intellectuelle y afférent doivent être protégés de manière adéquate.
Qu’est-ce que l’eSport ?
Selon la définition de dictionary.com, l’eSport désigne les tournois compétitifs de jeux vidéo, notamment entre joueurs professionnels. Cela couvre tout jeu vidéo, y compris les simulateurs virtuels de sports traditionnels et leurs compétitions.
Bien protéger sa marque pour les tournois d’eSport
Le tournoi d’eSport relève à la fois de la compétition sportive et du divertissement. Aussi, il est recommandé de sécuriser son dépôt de marque en visant à la fois les « activités sportives » et le « divertissement » en classe 41 (bien que les liens entre le sport et l’eSport soient controversés). Des services plus précis, ayant traits aux compétitions, doivent aussi être désignés comme ceux d’« organisation de concours » ou ceux d’ « organisation de jeux et de concours par le biais d’Internet ».
Si la société organisatrice des concours (qui peut être la société éditrice du jeu) propose également à la vente des produits promotionnels, il convient aussi de protéger la marque dans les classes correspondantes : classe 25 pour les vêtements, classe 9 pour les objets de collection NFT, classe 16 pour les affiches par exemple. Cela est essentiel, notamment si des licences sont ensuite consenties à certains partenaires. La « publicité » en classe 35 peut également être visée si l’organisateur propose des services de publicité au bénéfice de sponsors lors des tournois.
La protection doit à la fois être recherchée pour l’élément verbal à protéger et pour le logo qui sera utilisé (sur ce point, il convient de veiller à obtenir la cession des droits d’auteur sur les visuels, s’ils ont été réalisés par un tiers ou un salarié).
L’exploitation du tournoi : la question des licences sur le droit d’auteur
Un événement sportif traditionnel tel qu’un match de football ne peut être protégé par le droit d’auteur en tant que création ou œuvre intellectuelle (voir Football Association Premier League v QC Leisure et Karen Murphy v Media Protection Services Limited C-403/08 et C-429/08).
En revanche, s’agissant des jeux vidéo, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a pu considérer que les « jeux vidéo – eSports […] constituent une matière complexe comprenant non seulement un programme d’ordinateur, mais aussi des éléments graphiques et sonores, lesquels […] sont protégés, ainsi que l’œuvre entière, par le droit d’auteur […] ». (voir Nintendo Co. Ltd, Nintendo of America Inc. et Nintendo of Europe GmbH contre PC Box Srl et 9Net Srl, décision n° C-355/12).
En principe, il n’existe pas de titulaire des jeux sportifs traditionnels. A contrario, dans le cas des jeux vidéo, l’éditeur peut avoir des droits de propriété sur le jeu ou ses éléments : le code source, les personnages, la musique, le paysage, etc. sont tous protégés par le droit d’auteur (sous réserve d’être originaux). Dans un arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 2009, le juge a estimé que le jeu vidéo est une œuvre complexe nécessitant l’application d’un régime distributif. Celui-ci doit inclure les régimes de l’œuvre logicielle, de l’œuvre audiovisuelle, ainsi que de l’œuvre musicale, etc.
L’éditeur acquiert les différents droits à des finalités de distribution et d’exploitation commerciale. L’exploitation peut se faire sous la forme de vente d’exemplaires du jeu, de tournois, de vente de licences aux joueurs pour un usage non commercial.
Ainsi, les organisateurs d’événements eSport doivent obtenir le droit d’utilisation nécessaire pour mettre les différents éléments d’un jeu vidéo à la disposition du public lors des tournois, ou par le biais de leurs autres canaux de distribution, par exemple les streams en ligne (sur Twitch ou YouTube par exemple).
Dans l’écosystème des eSports, les compétitions sont tournées et diffusées sur les réseaux sociaux et en vidéo. Dans les flux de revenus de l’eSport prévus par Goldman Sachs en 2022, les droits médiatiques et le parrainage s’élèveront respectivement à 40% et 35%. Cependant, il n’existe pas encore de régime particulier applicable à l’eSport en matière de droits de diffusion, de parrainage et de droits de propriété intellectuelle des joueurs sous la juridiction française, droits que les acteurs concernés devront pourtant intégrer dans leur stratégie opérationnelle.
Plus récemment, le Ministère de la Culture a proposé une nouvelle loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021, qui envisage une solution globale pour les jeux vidéo. Le législateur a donc confié au président de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) le pouvoir d’obtenir des injonctions de blocage à l’issue d’une procédure judiciaire accélérée sur requête, contre des sites de contournement.
Il est impératif de bien se protéger sur le plan juridique avant d’organiser une compétition d’eSports. Aussi bien sur le plan des marques, pour lutter contre les atteintes, que sur le plan du droit d’auteur, notamment pour éviter d’être en infraction des droits de l’éditeur.
En tant qu’écosystème complexe, les droits de propriété intellectuelle sur l’eSport sont régis par un tissu de documents contractuels en raison de l’absence de réglementation nationale et internationale propre à cet objet. Ils sont généralement rédigés par l’éditeur en étroite collaboration avec des Conseils spécialisés en propriété intellectuelle. Un cadre juridique spécifique complet se fait encore attendre, les règles étant aujourd’hui principalement entre les mains de l’éditeur.
Pour aller plus loin…
♦ https://www.dreyfus.fr/2021/12/13/oeuvre-creee-par-une-intelligence-artificielle-une-protection-par-le-droit-dauteur-est-elle-envisageable/
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