(Drapeaux de l'Union européenne) « Paquet Dessins et Modèles » : Aperçu des changements proposés pour une modernisation et une clarification du système européenL’importance croissante de la créativité et de l’innovation dans l’ère numérique nécessite une adaptation du droit européen des dessins et modèles pour répondre aux défis actuels et futurs. La proposition de réforme du « Paquet Dessins et Modèles » vise à moderniser et améliorer les dispositions existantes en clarifiant les termes, en élargissant les définitions et en assurant la complémentarité avec les législations nationales. Cette réforme pourrait encourager la protection des dessins et modèles, garantir un meilleur équilibre entre les intérêts légitimes, et renforcer la lutte contre la contrefaçon.

 

Aperçu du droit européen sur les dessins et modèles : protection de la créativité et de l’innovation.

Les dessins et modèles sont définis par l’article 3 du règlement 6/2002 comme l’apparence d’un produit industriel ou artisanal ou d’une partie d’un produit, caractérisée par ses lignes, ses contours, ses couleurs, ses formes, ses textures notamment. A l’heure actuelle, il est protégeable à condition d’être nouveau et de présenter un caractère individuel. 

Le droit européen des dessins et modèles est un outil essentiel pour la protection de la créativité et de l’innovation dans l’Union européenne. En effet, il contribue à encourager l’innovation et la concurrence en offrant une protection adéquate aux créateurs et aux entreprises. Cela les incite à investir dans la recherche et le développement de nouveaux produits et designs, ce qui entraine une stimulation de la croissance économique et la création d’emplois.

L’enregistrement d’un dessin ou modèle auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) donne à son titulaire des droits exclusifs sur l’aspect ornemental ou esthétique d’un objet pour une durée maximale de vingt-cinq ans. Le régime européen des dessins et modèles confère également une protection pouvant aller jusqu’à trois ans pour les dessins et modèles communautaires non enregistrés. 

Pour bénéficier de cette protection, le dessin ou modèle doit présenter un caractère individuel, c’est-à-dire que l’impression générale générée par le dessin ou le modèle sur l’utilisateur averti doit se singulariser par rapport à l’impression générale créée par des dessins ou modèles déjà existants. Dans l’appréciation de ce critère, il est important de tenir compte du degré de liberté dont a bénéficié le créateur au moment de la création de dessin ou modèle puisque cette liberté va déterminer si ce dernier a réalisé ou non une réelle performance créative. Enfin, le dessin ou modèle doit également être considéré comme nouveau. 

Cette protection permet à son titulaire d’agir contre la reproduction et la vente de produits présentant une apparence identique. 

En outre, le droit européen des dessins et modèles offre une protection plus large et plus rapide que les systèmes nationaux. Une fois enregistré, un dessin ou modèle est protégé dans l’ensemble de l’UE, ce qui évite la nécessité d’un enregistrement séparé dans chaque Etat-membre.

Au regard de son importance pour les acteurs économiques européens, il est apparu nécessaire d’adapter ce régime aux tendances actuelles et futures issues de l’ère du numérique. 

 

Contexte des changements proposés par la Commission

En novembre 2022, la Commission a présenté une proposition qui est encore aujourd’hui en cours de négociation. Ce « Paquet Dessins et Modèles » viendrait réviser le règlement et la directive sur les Dessins et Modèles communautaires et entrerait en vigueur d’ici la fin d’année voire début 2024.

L’objectif est de moderniser et améliorer les dispositions existantes en retirant les dispositions obsolètes, renforçant la sécurité juridique et clarifiant la gestion des droits des dessins et modèles. En effet, à mesure que la technologie évolue et que les entreprises opèrent de plus en plus en ligne, il devient évident que les règles actuelles doivent s’adapter aux nouveaux enjeux et modes de création pour protéger les créateurs de dessins et de modèles dans le monde numérique. Cette directive a pour but de rapprocher davantage les législations et procédure nationales afin de renforcer l’interopérabilité et la complémentarité avec le système des dessins et modèles communautaires. 

Finalement, le Paquet Dessins et Modèles permettrait de parachever le marché unique des pièces de rechange par l’introduction, dans la directive, d’une clause de réparation semblable à celle que prévoit déjà le Règlement 6/2002.

 

Principaux changements proposés dans le projet de Directive de la Commission

Le « Paquet Dessins et Modèles » pose un premier objectif de clarification du cadre de protection. En effet, il opère une modification terminologique par le remplacement des termes « Registered Community Designs » (Dessin ou Modèle Communautaire Enregistré) par « Registered EU Designs » (REUD) (Dessin ou Modèle de l’UE enregistré), et « Unregistered Community Designs » (Dessin ou Modèle Communautaire Non-Enregistré) par « Unregistered EU Designs » (Dessin ou Modèle de l’UE Non-Enregistré). 

Un autre changement majeur de cette directive tient en la suppression de la protection des dessins et modèles communautaires sans enregistrement de portée nationale. De plus, ce texte précise par ailleurs que la protection conférée aux dessins et modèles communautaires ne commence qu’à partir de l’inscription dans le registre dédié. 

Il pose une exigence de visibilité, en conditionnant la protection des REUD au caractère visible des caractéristiques d’apparence présentées dans la demande d’enregistrement des dessins et modèles communautaires. En effet, lors de la procédure de dépôt d’un dessin et modèle communautaire, les représentations doivent identifier clairement tous les détails du dessin ou modèle déposé. 

La Commission rappelle également la possibilité de cumul de la protection des dessins et modèles avec la protection par le droit d’auteur, venant consacrer la jurisprudence européenne établie. 

Le projet de révision vise à un élargissement de la définition des dessins et modèles pour accepter le mouvement, la transition ou plus largement tout type d’animation des caractéristiques du produit. Il procède aussi à un élargissement de la définition de produit en introduisant un volet numérique et pour pouvoir, le cas échéant, inclure ce qui porte sur les interfaces graphiques. En ce sens, la proposition définit le « produit » comme : « tout objet, y compris les produits numériques, qui peut être fabriqué ou produit en série ou en quantité limitée, ou qui peut être vendu, loué ou mis à disposition sur le marché ». 

La Commission y précise le champ d’application de la protection puisqu’elle en admet une exception, en permettant l’utilisation à titre critique et parodique des dessins et modèles. A contrario, elle fait entrer l’impression 3D au sein des formes d’utilisations nécessitant une autorisation du détenteur des droits sur le dessin ou modèle. Pour rappel, c’est une technologie en constante évolution qui permet de créer des objets tridimensionnels en utilisant des fichiers numériques.

Aussi, le projet de réforme introduit de nouvelles dispositions. Dans un premier temps, il supprime le principe de l’unité de classe en permettant le dépôt de plusieurs demandes de REUD dans la même demande et ce, même en désignant plusieurs classes. Dans un second temps, il rend la clause de réparation permanente pour les pièces détachées. Celle-ci prévoit une période transitoire de 10 ans pour sauvegarder les intérêts des titulaires de dessins ou modèles existants si l’État-membre autorise la protection des dessins ou modèles pour les pièces détachées au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle directive. Cependant elle n’aura d’effet juridique immédiat que pour les enregistrements futurs. Il vient aussi autoriser les titulaires de droit d’apposer un symbole précis , informant le public du fait que le produit est enregistré. 

Enfin, au niveau procédural, la Commission propose de rendre obligatoires les dispositions facultatives afin d’accroitre la prévisibilité et la cohérence avec le système de l’UE. Le « Paquet Dessins et Modèles » pose aussi une présomption de validité qui devrait être reprise par l’ensemble des Etats-membres de l’Union Européenne. Ainsi, les conditions de validité du titre seraient présumées remplies en cas d’action en contrefaçon. Il permet aussi de demander un ajournement pendant une période de 30 mois à compter de la date de dépôt de la demande. Finalement, il prévoit que tous les Etats-membres doivent prévoir des actions administratives en nullité pour les dessins et modèles enregistrés, devant les offices nationaux de propriété intellectuelle

 

Conclusion

La proposition de cette Directive par la Commission est justifiée par un régime juridique inchangé depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, soit avant l’avènement d’internet et la croissance rapide de la technologie. Il apparaissait donc nécessaire de remédier à certaines carences et lacunes dans le régime de protection pour garantir son adaptation à l’ère du numérique notamment, et plus généralement, sa pérennité. Cette réforme pourrait permettre d’encourager la protection des dessins et modèles et donc les demandes de dépôt au sein de l’Union Européenne. Il va aussi permettre de renforcer la protection tout en la limitant dans un objectif de meilleur équilibre entre les intérêts légitimes. Finalement, il pourrait potentiellement (et surement), améliorer la lutte contre la contrefaçon. 

 

Pour aller plus loin regarder notre article : Quelles sont les problématiques des dessins et modèles dans le métavers ?

 

 

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