DREYFUS | The European Unitary PatentIntroduction

Un brevet accorde à son propriétaire le droit d’exclure les autres de la fabrication, de l’utilisation, de la vente ou de la mise en vente de l’invention dans le pays où le brevet est accordé et, dans certains cas, d’importer l’invention (1)

Après une décennie de retard sur le calendrier initial et un laborieux alignement entre les différents Etats européens, ce jeudi 1e juin 2023, le brevet européen à effet unitaire est enfin entré en vigueur. Il s’agit de dresser un panorama de l’historique, des implications et des conséquences pratiques du cap franchi. 

 

Historique d’un laborieux processus d’adoption

L’idée d’un brevet communautaire est née dans les années 1960. Cette volonté a refait surface en 1999, et a rapidement été suivie d’une proposition pour une juridiction unique en 2003. Dix ans plus tard, l’accord sur la JUB (Juridiction Unifiée du Brevet) a vu le jour. Et pourtant il a fallu attendre une nouvelle décennie pour voir ce projet se concrétiser… 

Le contexte politico-juridique n’a pas arrangé la situation, d’une part avec le Brexit et le retrait de sa ratification par le Royaume-Uni. En effet, il s’agissait d’un des leaders de ce grand projet. L’accord prévoyait plusieurs divisions de la JUB, dont une en Angleterre, son retrait a donc causé un blocage. En conséquence, il ne sera pas possible de faire entrer le Grande-Bretagne au moment de la délivrance du brevet, ce pays ne faisant plus partie de la coopération renforcée.

D’autre part, des blocages sont également apparus en Allemagne, qui a considéré ce projet comme inconstitutionnel car il allait au-delà de la constitution allemande. En effet, il prévoyait des règles et articles primant sur les lois nationales. Toutefois aujourd’hui, ce cap a été passé et une division spécialisée de la JUB compétente pour les sciences de la vie et la chimie a été mise en place en Allemagne. 

Malgré ceci, en mars 2023, 17 Etats-membres de l’Union européenne avaient ratifié l’accord de coopération renforcée originellement signé en 2013, pour la création de la JUB. L’objectif premier de cette adoption est de permettre d’obtenir la protection d’une innovation dans tous les Etats-membres parties à la coopération renforcée, par le biais d’une seule et unique demande déposée à l’OEB (Office Européen des Brevets).  

 

Territoires concernés par l’uniformisation de la protection

Suite aux nombreux contretemps mentionnés ci-dessus, il convient de rappeler que 39 Etats sont membres de l’OEB. Sur ceux-ci, 25 sont parties à la coopération renforcée (2), et 17 sont parties au brevet unitaire (3) qui sont donc : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovénie et Suède

 

Caractéristiques principales du brevet unitaire européen

Le brevet unitaire s’appuyant sur la CBE (Convention sur le Brevet Européen), la phase préalable à la délivrance reste inchangée. Il s’agit ici de faire référence aux actes de procédure avant la délivrance : dépôt, désignation, examen. Ces derniers doivent encore respecter les conditions imposées par la CBE. 

C’est au stade du paiement des taxes de délivrance et d’impression que le déposant coche la case correspondante, pour obtenir le brevet à effet unitaire. En ce sens, le brevet unitaire est un brevet européen délivré par l’Office Européen des Brevets et pour lequel le titulaire a demandé́ l’enregistrement sur la base de l’effet unitaire. L’OEB servira donc de guichet unique. 

Ainsi, l’entrée en vigueur du brevet unitaire supprime la nécessité de procédures de validation nationales, complexes et souvent couteuses. En effet, jusqu’à présent, les brevets européens devaient être validés et maintenus en vigueur individuellement dans chaque pays. Il s’agit alors d’un processus qui peut être complexe et coûteux, les coûts dépendant du nombre de pays visés. Avec le brevet unitaire, aucune taxe de procédure additionnelle ne sera prélevée par l’OEB par rapport à un brevet européen classique. Subséquemment, les brevets unitaires ne sont plus soumis au système de taxes annuelles, qui était alors fragmenté : il n’y a désormais qu’une seule procédure, une seule monnaie, un seul délai et il n’est plus obligatoire de faire appel à un mandataire. Aussi, l’OEB se chargeant de toute l’administration post-délivrance, les coûts et la charge de travail administrative sont d’autant plus réduits.

Le règlement du brevet unifié ne porte pas atteinte au droit des États-membres de délivrer des brevets nationaux. Il ne se substitue pas aux législations nationales et régionales sur les brevets. Les demandeurs de brevets conservent la possibilité́ d’obtenir, au choix, un brevet national, un brevet européen unitaire ou un brevet européen produisant ses effets dans un ou plusieurs Etats contractants de la CBE 

Concernant l’incitation à l’innovation, le registre en ligne comprend des informations sur le statut juridique relatif aux brevets unitaires, notamment sur les licences et les transferts. Cela incite donc les transferts de technologie et les investissements dans l’innovation (4).

 

Juridiction Unifiée du Brevet

Le système du brevet est inextricablement lié à la création de la JUB (5). Celle-ci a ainsi compétence exclusive pour les brevets unitaires, sans dérogation possible.

Pour ce qui est des brevets européens classiques, la compétence exclusive ne lui est pas reconnue, les tribunaux nationaux conservant leur compétence. En effet, le détenteur du brevet a la possibilité d’exclure cette compétence via un système d’opt-out (déclaration de dérogation). Ceci est uniquement possible durant une phase transitoire de 7 ans, pouvant être étendue jusqu’à 14 ans, à condition qu’aucune procédure n’ait encore été engagée devant la JUB. 

Concernant sa structure, elle se compose d’une Cour d’appel à Luxembourg et d’un Greffe. Elle dispose aussi d’un tribunal de première instance composé d’une division centrale dont le siège est à Paris et une section à Munich, et de plusieurs divisions locales et régionales. 

Avec sa création, il n’y a plus besoin d’engager des actions dans des pays différents (6). En effet jusqu’alors, les juridictions et autorités nationales étaient compétentes pour les litiges (7) relatifs à des contrefaçons ou à la validité des brevets. Un litige relatif à un brevet déposé et enregistré dans plusieurs Etats-membres obligeait le titulaire des droits à agir parallèlement auprès de toutes les juridictions nationales concernées. 

L’autre objectif afférent à sa création est la simplification et la meilleure efficacité des procédures juridictionnelles qu’elle traitera. En effet, ses décisions prennent effet dans toutes l’Europe, tout comme les sanctions infligées. 

Il conviendra néanmoins d’attendre quelques mois pour jauger les évolutions et conséquences dans la pratique communautaire…

 

Le Cabinet Dreyfus & Associés, spécialiste en propriété industrielle, met son expertise au service de ses clients pour répondre à toutes interrogations sur la nouvelle procédure de dépôt d’un brevet unitaire européen

 

Référencés 

1. https://www.dreyfus.fr/expertise/droit-de-la-propriete-industrielle/droit-des-brevets

2. https://www.wipo.int/wipolex/fr/text/309606 et https://www.wipo.int/wipolex/fr/text/309628

3. https://www.epo.org/applying/european/unitary/unitary-patent_fr.html

4. & 5. https://www.epo.org/applying/european/unitary/unitary-patent/start_fr.html#:~:text=en%20extension%2Fvalidation-,Quand%20le%20syst%C3%A8me%20du%20brevet%20unitaire%20commencera-t-il%20%C3%A0,les%20brevets%20europ%C3%A9ens%20%22classiques%22

6. https://www.epo.org/archive/epo/pubs/oj013/05_13/05_2873.pdf

7. https://www.epo.org/archive/epo/pubs/oj013/05_13/05_2873.pdf