Le 1e, le 14 et le 15 mars, a eu lieu le troisième audit de l’EUIPO dit « audit SQAP », sur les annulations de marques. Plus récemment, c’est les 14 et 15 juin que s’est tenu l’audit SQAP sur les procédures d’opposition de marques. C’est ainsi l’occasion de faire le point sur cette initiative de l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO).
Annulation de marque : vers une meilleure protection des droits
La déchéance est une action propre au droit des marques. La déchéance peut être obtenue sur plusieurs fondements tels que le défaut d’usage sérieux, la désignation devenue usuelle ou encore le caractère déceptif de la marque.
La marque est soumise au respect d’une obligation d’usage et d’exploitation. Naturellement, elle pourrait subséquemment être annulée si elle ne fait pas l’objet de cet usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. Ce motif de déchéance peut être constaté autant cinq ans après l’enregistrement que pendant la durée de vie de la marque.
La marque qui devient la désignation usuelle dans le commerce, du produit ou service pour lequel elle est enregistrée, peut faire l’objet d’une annulation. Pour l’éviter, il faut que le titulaire lutte contre toute utilisation déviante de sa marque. Pour ce faire, il doit pouvoir introduire des actions en justice. Des exemples de désignations devenues usuelles sont Sopalin, Thermos, Caddie, Perfecto etc.
La déceptivité est un autre motif pouvant entraîner l’annulation de la marque. C’est le cas de la marque qui est propre à induire le consommateur en erreur sur la qualité, l’origine ou la nature du ou des produits et services désignés. La déchéance est constatée sur demande d’un tiers, suite à une exploitation dite trompeuse, de ladite marque.
Depuis le 1e avril 2020, une nouvelle action est ouverte aux acteurs économiques : la procédure en nullité à l’encontre des marques. L’objectif est de valoriser et simplifier la protection des droits, cette action n’étant soumise à aucun délai de prescription. Une action réussie permet de rendre de nouveau disponibles, des marques non exploitées ou de faire tomber un monopole sur une marque éventuellement invalide ou contraire à l’ordre public. Pour sa mise en œuvre, l’action peut reposer sur deux causes distinctes : des motifs relatifs et des motifs absolus.
Les motifs absolus sont invocables par tout un chacun qui estimerait qu’au moment du dépôt, le demandeur était de mauvaise foi, que la marque était dépourvue de caractère distinctif, contraire à l’ordre public, de nature à tromper le public sur la nature, qualité ou provenance des produits et services désignée, ou même si la marque est composée de la désignation nécessaire d’un produit ou service.
Les motifs relatifs ne sont quant à eux, invocables que par le titulaire d’un droit antérieur, qu’il s’agisse d’une marqué antérieure, d’un droit non enregistré, d’une dénomination sociale etc. Celui-ci doit prouver un risque de confusion entre les signes.
Opposition de marque : un recours ouvert aux titulaires de droits antérieurs
Que ce soit devant l’INPI, l’EUIPO ou même l’OMPI, l’opposition rejoint le motif relatif de refus de marque. Le titulaire d’une marque antérieure peut envisager de faire opposition contre une marque seconde déposée par un tiers. L’existence de droits antérieurs est considérée comme un motif relatif de refus d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne. Les Offices n’effectuent pas de vérification systématique concernant ces motifs de refus. On retrouve donc l’intérêt de former des oppositions de marques.
La procédure européenne a servi de modèle à la procédure française. Il est donc possible de faire opposition contre une marque de l’Union Européenne et les désignations de l’Union Européenne d’une marque internationale. La publication de la marque au Registre des marques de l’Union Européenne fait courir un délai de trois mois durant lequel il est possible de former une opposition auprès de la division d’opposition. C’est au terme de ce délai que le demandeur de la marque postérieure est notifié et qu’une période dite de cooling-off est lancée (période de réflexion et de règlement amiable du conflit).
Le demandeur à l’action en opposition de marque doit pouvoir prouver plusieurs éléments.
D’une part, il doit prouver l’usage de sa marque, et notamment des indications concernant le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition se fonde.
Il doit aussi pouvoir prouver l’identité ou la similarité entre les signes, produits ou services désignés. L’objectif de ces dernières est de mettre en lumière un risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public entre les deux marques.
Etat des lieux du programme d’audit SQAP de l’EUIPO
L’examen de toutes les conditions et exigences des différentes procédures pratiquées au sein de l’EUIPO requiert un temps d’attention très important pour les examinateurs et juristes spécialisés concernés. Les initiatives européennes tendent constamment à une harmonisation des mécanismes employés, des coûts nécessaires et à une simplification des procédures pratiquées. Malgré le fait que l’Office soit soucieux d’améliorer la transparence du droit au niveau communautaire, il existe encore un écart important entre les attentes des acteurs économiques et la qualité réelle des décisions rendues.
C’est donc en 2017 que l’Office européen a lancé son projet relatif aux panels de parties prenantes « assurance qualité » dit « *Stakeholder Quality Assurance Panels* » (SQAP). L’objectif était de combler l’écart existant entre la perception qu’ont les usagers sur les décisions prises par l’EUIPO et leur qualité, et la perception réelle propre à l’Office sur ses décisions. Pour ce faire, ce dernier a décidé d’inviter des associations à réaliser des audits externes de ses décisions.
Ces audits peuvent inclure l’examen des processus internes, l’exactitude des décisions, ainsi que la conformité aux réglementations et politiques applicables. Pendant un audit SQAP, il pourrait y avoir une évaluation de la manière dont les décisions sont prises, une analyse de la documentation, des entretiens avec le personnel, et des recommandations pour l’amélioration de la qualité du service.
Les panels d’usagers représentent des associations d’usagers. Lors des audits 2023, sont représentées : l’APRAM (Association des praticiens du droit des marques et modèles), l’INTA (International Trademark Association), l’AIPPI (Association Internationale pour la Protection de la Propriété Intellectuelle), l’ANIPA (Association des Instituts Nationaux de Conseils en Propriété Intellectuelle), l’ASIPI (Association Interaméricaine de la Propriété Industrielle), l’ECTA (Association des Marques des Communautés Européennes), BUSINESSEUROPE, FICPI (Fédération Internationale des Conseils en Propriété Intellectuelle), GRUR (Association Allemande pour la Protection de la Propriété Industrielle et du Droit d’Auteur), l’ICC (Chambre de Commerce Internationale) et MARQUES. Les panels vérifient les décisions sur la base des critères de qualité appliqués par l’Office.
L’audit se déroule en plusieurs étapes. Pendant l’audit, chaque auditeur entreprend d’abord l’inspection individuelle des décisions qui lui ont été attribuées. Après cela, il soumet ses observations au comité. Au moment où les membres du comité entament un débat, des spécialistes de l’Office sont présents pour éclaircir toute incertitude concernant les procédures de l’Office. À la fin de ces échanges, un rapport d’audit contenant l’ensemble des conclusions est rédigé et reçoit l’aval du comité. Suite à l’audit, les spécialistes de l’Office passent au crible les conclusions dans le but de déceler des opportunités d’amélioration et de déterminer les actions à entreprendre. Les auditeurs ainsi que les groupes d’usagers sont tenus au courant des améliorations réalisées grâce aux SQAP de manière régulière.
Taille de l’échantillon et critères d’évaluation
L’audit SQAP sur les décisions d’annulation repose sur un échantillon représentatif de cas sélectionnés de manière aléatoire parmi les décisions récentes de l’EUIPO. La taille de l’échantillon est suffisamment importante pour garantir la fiabilité des résultats et refléter la diversité des situations rencontrées dans les procédures d’annulation. Les critères d’évaluation sont établis en fonction des normes de qualité prédéfinies par l’EUIPO, qui visent à assurer une application cohérente des règles et des principes juridiques.
Résultats de l’audit
Les résultats de l’audit SQAP sur les décisions d’annulation sont classés en trois catégories principales : « excellence », « conformité » et « actions nécessaires ».
Les décisions dites « d’excellence » sont celles qui démontrent un haut niveau de qualité et de cohérence dans l’application des critères juridiques. Ces décisions sont considérées comme des exemples de bonnes pratiques et servent de référence pour améliorer les décisions futures.
Les décisions de « conformité » répondent aux normes de qualité établies par l’EUIPO. Elles sont considérées comme satisfaisantes, mais peuvent nécessiter certaines améliorations pour atteindre le niveau d’excellence.
Les décisions « nécessitant des actions » sont celles qui présentent des lacunes ou des erreurs juridiques de conformité plus importantes. Ces décisions font l’objet d’une analyse plus approfondie afin d’identifier les causes des problèmes et de mettre en place des mesures correctives appropriées.
Les résultats de l’audit SQAP sur les décisions d’annulation et d’opposition de marques permettent de récolter l’ensemble des feedbacks auprès des associations représentées. Subséquemment, ils permettent de conduire des actions correctives ou d’adapter le mode décisionnel de l’EUIPO puisqu’ils lui permettent de discerner les points forts et les points faibles de ses processus en repérant les insuffisances les jonchant. Des actions correctives sont prises pour remédier aux problèmes identifiés, et les bonnes pratiques sont partagées avec les agents de propriété intellectuelle et les utilisateurs afin d’améliorer la qualité globale des décisions d’annulation.
Ainsi, l’instauration et le développement de ce type d’audits fait miroiter la possibilité de connaître très prochainement des décisions encore plus satisfaisantes et qualitatives, rendues sur la base de mécanismes décisionnels améliorés et de critères de qualité fixés.