Symbol - Droit d’auteur et IA génératives

L’intelligence artificielle générative ou IA générative est un type de système d’intelligence artificielle capable de générer du texte, des images ou d’autres médias. 

La création de contenu par l’intelligence artificielle générative se base grossièrement sur un schéma classique en deux temps : 

– La base d’inspiration est appelée l’input. La création générique va se baser sur les données initiales, récupérées soit à partir de données étiquetées par l’utilisateur/le créateur de l’IA, soit à partir de données trouvées de façon autonome par l’IA, pour pouvoir ensuite créer un output, c’est-à-dire un résultat. 

– A partir des données initiales (input), l’intelligence artificielle génère un modèle, infère des règles, puis applique ces règles. Il s’agit du résultat, l’output. 

 

L’intelligence artificielle générative pose ainsi la question de la protection des contenus moulinés en amont, et celle de la protection de l’output en aval. 

La protection des contenus moulinés par l’IA générative en amont

En amont, la reproduction de données par l’intelligence artificielle crée de possibles atteintes à des droits de propriété intellectuelle du fait des utilisations réalisées sans autorisation des titulaires. En effet, il y a une reproduction des contenus protégeables par le droit d’auteur (textes, images, sons) afin de nourrir la base de données des intelligences artificielles. 

Or, ces contenus sont protégés par des droits de propriété intellectuelle. Aussi, pour pouvoir nourrir légalement sans autorisation préalable les intelligences artificielles, le Législateur européen a mis en place une exception de « text and data mining » qui suspend le monopole d’exploitation en droit d’auteur et droits voisins pour la fouille de données. Il s’agit des articles 3 et 4 issus de la Directive 2019/790 du Parlement Européen et du Conseil du 17 avril 2019, sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.  

Le data mining consiste ainsi à collecter des données pour les transformer. Il y a une opération de fouille, c’est-à-dire de traitement algorithmique qui permet ensuite d’interpréter des résultats. Or, ces fouilles portent atteinte aux droits de la propriété littéraire et artistique. 

La fouille de textes et de données peut en outre entraîner des actes protégés par le droit d’auteur, le droit sui generis sur la base de données, ou par les deux, notamment en ce qui concerne la reproduction des œuvres ou d’autres objets protégés, l’extraction de contenus d’une base de données, ou les deux, ce qui est le cas lorsque les données sont normalisées lors du processus de fouille de textes et de données. 

La directive 2019/790 pose ainsi deux exceptions obligatoires pour copie, autrement dit, deux exceptions sur la reproduction des contenus protégés par le droit de la propriété littéraire et artistique de façon globale (textes, sons, images, pour tous les droits d’auteurs, droits voisins et droits sui generis).

– L’article 3 est une exception obligatoire académique, au bénéfice des organismes de recherche et des institutions du patrimoine culturel qui effectuent des fouilles à des fins de recherches scientifiques, à laquelle les titulaires de droits ne peuvent s’opposer.

– L’article 4 quant à lui est une exception pour tous les usages, quelle que soit la finalité (y compris commerciale), sous réserve toutefois que le titulaire des droits d’auteur n’ait pas exprimé son opposition. Dans ce cas, les titulaires peuvent s’opposer alors même que l’exception est obligatoire. Cela paraît contradictoire mais en réalité c’est le seul point d’équilibre possible entre les droits des titulaires de droits de propriété intellectuelle et les droits de ceux qui reproduisent les données. 

Si la fouille de données est donc aujourd’hui autorisée, le débat sur la protection des contenus utilisés en amont par l’intelligence artificielle générative pour produire des contenus n’est pas terminé. Les recours se multiplient. En Europe par exemple, les titulaires de droits se mobilisent à travers des « position papers » car le contexte entre le moment de la rédaction de la Directive 2019/790 en 2018 et le moment où les IA génératives sont en pleine expansion en 2023 est bien différent. Une rémunération des titulaires de droits de propriété intellectuelle pour l’exception sur la fouille des données fait ainsi partie des réflexions des spécialistes de propriété intellectuelle travaillant sur le sujet. 

La protection des contenus générés par l’IA générative en aval 

Si les robots faisaient auparavant office d’instruments passifs, le progrès de la recherche en intelligence artificielle invite à s’interroger sur leur place et leur rôle dans le processus créatif. En effet, ces évolutions tendent à leur conférer un rôle parfois substantiel dans la création, ce qui pose des questions de protection des contenus générés par l’IA générative. 

Si en droit d’auteur le principe est l’indifférence du mérite (CJUE 1er mars 2012, Football Dataco Ltd e.a. contre Yahoo! UK Ltd e.a., Affaire C-604/10), il est encore délicat d’affirmer qu’une IA générative peut être auteure d’une œuvre qu’elle aurait générée. 

 

On se demande alors si l’apparence d’œuvre lie à un régime ? Faut-il admettre une protection des œuvres générées par l’IA ?

 

Le rapport de Parlement européen du 27 janvier 2017 concernant les recommandations à la Commission sur les règles de droit civil sur la robotique affirmait qu’il fallait adapter les critères du droit d’auteur pour accueillir les créations du nouveau genre par le droit d’auteur. 

Ce qui est primordial ici est de faire la distinction entre les créations assistées par une IA générative, des créations générées de façon autonome par l’IA. 

Si l’Intelligence artificielle générative est employée comme outil d’aide à la création. Dans ce cas, c’est simple, il n’y a pas de discussion. L’œuvre est protégée par le droit d’auteur, et les droits afférents à celle-ci appartiennent en conséquence à l’auteur personne physique.  Dans cette hypothèse, il y a forcément un marquage de la personnalité de la personne physique, auteure.

 

Quid de l’hypothèse inverse ? Va-t-on vers le droit d’auteur ou vers d’autres voies (droit commun, droit spécial) ?

 

En 2018, le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique a fait une analyse économique et juridique des options. 

L’hypothèse de l’Intelligence Artificielle auteure est à exclure aujourd’hui. En effet, la qualification d’une œuvre dans le droit de l’Union Européenne est une notion cadre. Or, pour qu’une œuvre puisse exister en droit d’auteur plusieurs conditions strictes sont à réunir : 

– Il faut un auteur personne physique

– Que l’œuvre soit originale

Au vu de ces conditions, aujourd’hui, l’autonomie de l’IA est exagérée puisqu’il faut nécessairement la présence d’un humain. Or, il y a un rejet de l’idée de la création d’une « personnalité électronique » car cela risque en effet de bouleverser des catégories juridiques existantes et créerait une chimère juridique. En conséquence, l’absence de personne physique empêche de remplir la condition d’originalité, puisqu’en France on parle « d’empreinte de la personnalité de l’auteur ». Là encore, un lien peut être fait avec la notion de personne physique. De même, dans l’Union Européenne, il s’agit également d’une « création intellectuelle propre à son auteur », qui nécessite forcément la présence d’une personne physique. 

Le lien à l’auteur personne physique en droit d’auteur semble donc être une exigence internationale suggérée par la Convention de Berne. 

Si le droit de la propriété littéraire et artistique est retenu il faudrait alors déterminer quel droit de propriété littéraire et artistique est applicable (droit d’auteur, droit sui generis), il faudrait également revoir les conditions d’accès à ce droit et définir où est l’auteur (s’il s’agit d’un auteur indirect, une œuvre sans auteur ?). 

Certains disent qu’aucune protection n’est nécessaire. L’opt out entrerait dans le régime du « common by design ». 

En attendant d’avoir une législation propre aux œuvres générées par l’IA générative, il faut noter que la jurisprudence, bien que peu existante dans ce domaine, commence à faire son apparition. On peut évoquer notamment la décision du US District Court for the District of Columbia sur l’affaire Thaler c. Perlmutter en date du 18 août 2023. Cet arrêt énonce que le copyright ne s’applique pas aux créations générées par des outils d’intelligence artificielle, même si elles sont entraînées par l’intelligence humaine. 

Ces différentes réflexions portant sur des sujets éminemment actuels posent de véritables questions de droit. L’émergence de nouvelles technologies demande une attention particulière de la part du législateur, et un renouvellement constant afin de rester à la page. Il sera intéressant de voir à l’avenir quelles mesures sont prises et quelles lois sont adoptées afin d’encadrer davantage ces nouvelles inventions intelligentes.

Pour en savoir plus sur l’IA générative, lisez notre article IA générative et protection des droits de propriété intellectuelle ou visitez WIPO Magazine et Blog Modérateur.