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Le 9 juin 2023, la France a promulgué la loi n° 2023-451, une législation pionnière visant à encadrer les pratiques commerciales d’influence exercés par les créateurs de contenu et à protéger les utilisateurs des réseaux sociaux. Cette loi, tente de marquer un tournant dans la régulation de l’influence commerciale et la lutte contre les abus des influenceurs sur les différentes plateformes numériques.

Contexte et Origines

Ces dernières années, le secteur de l’influence commerciale a connu une croissance exponentielle, mais également des dérives significatives, allant de la promotion de produits dangereux à des pratiques commerciales trompeuses. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené plusieurs enquêtes révélant de plus en plus de pratiques commerciales trompeuses. En parallèle, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) avait déjà mis en place des règles de bonnes pratiques et créé, en 2019, un Observatoire de l’influence responsable. Cependant, ces mesures se sont révélées insuffisantes, poussant le législateur à intervenir de manière plus rigoureuse pour encadrer l’influence commerciale et lutter contre ses dérives​.

Définitions et objectifs

Cette nouvelle législation mérite d’être soulignée pour son rôle dans l’encadrement de concepts de plus en plus intégrés dans notre quotidien. L’article premier de la loi définit précisément le terme « influenceur » comme suit : « Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, utilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à promouvoir directement ou indirectement des biens, des services ou une cause, exercent l’activité d’influence commerciale ». L’activité des agents d’influenceurs est également encadrée par l’article 7, qui les définit comme les intermédiaires représentant les influenceurs ou facilitant leurs relations avec les annonceurs, tout en veillant à la conformité de leurs activités avec les réglementations en vigueur.

En France, où l’on estime à environ 150 000 le nombre d’influenceurs, les pratiques de certains ont révélé la nécessité d’une réglementation stricte pour protéger les consommateurs, notamment les jeunes, très sensibles à ces nouvelles formes de publicité. C’est dans cette optique que la loi impose aux plateformes hébergeant des contenus d’influenceurs de signaler et de retirer les contenus illicites, tout en garantissant la transparence des publications commerciales.

Les influenceurs doivent désormais établir des contrats écrits avec les annonceurs, spécifiant explicitement les conditions de leur collaboration pour garantir clarté et protection. De plus, la loi exige une transparence accrue : toute publication doit clairement indiquer s’il s’agit d’une « publicité » ou d’une « collaboration commerciale », pour éviter toute confusion chez les consommateurs, conformément à l’article L. 121-3 du Code de la consommation.

Aussi, cette législation s’inscrit dans la continuité de la loi du 29 octobre 2020, en renforçant la protection de tous les acteurs du secteur, y compris les influenceurs mineurs. Des mesures dédiées visent à sécuriser l’activité des enfants influenceurs sur toutes les plateformes numériques, telles qu’Instagram, Snapchat, TikTok, et étendent les dispositions initialement prévues pour les Youtubeurs mineurs par la loi du 19 octobre 2020. Ainsi, ces jeunes influenceurs bénéficient désormais des protections du Code du travail. Leurs parents ou tuteurs légaux sont requis pour signer les contrats avec les annonceurs et une portion des revenus générés est mise en réserve pour leur avenir, sous forme de pécule.

Ainsi, les manquements à ces règles peuvent entraîner de lourdes sanctions, y compris des peines de prison pouvant aller jusqu’à deux ans et des amendes jusqu’à 300 000 euros. La loi établit également une responsabilité solidaire entre l’influenceur, l’annonceur, et leur agent, garantissant ainsi que les victimes de pratiques commerciales abusives puissent obtenir réparation de manière efficace.

Bilan après plusieurs mois d’application de la loi n° 2023-451

Depuis son entrée en vigueur, la loi n° 2023-451 a déjà entraîné plusieurs sanctions contre des influenceurs pour des pratiques commerciales trompeuses. Par ailleurs, les plateformes en ligne ont renforcé leurs politiques de surveillance afin de répondre aux nouvelles exigences législatives.

Cependant, cette loi a suscité des critiques de la part de nombreux créateurs de contenus qui la perçoivent comme une réaction excessive du gouvernement. Ils argumentent que l’adoption rapide de cette législation risque de limiter la créativité et l’innovation dans le secteur du marketing d’influence.

En réponse à ces critiques, un guide de bonne conduite pour les influenceurs a été élaboré. Ce guide, bien qu’utile, ne répond pas entièrement aux exigences légales de la loi n° 2023-451 et n’a pas la même portée juridique que la législation elle-même. Toutefois, il joue un rôle éducatif important en sensibilisant les influenceurs aux enjeux de transparence et de protection des consommateurs. Il leur offre également des explications détaillées et des outils pratiques, tels que des modèles de contrats et des check-lists de conformité.

En outre, la Commission Européenne a exprimé des réserves concernant cette loi, suggérant qu’elle pourrait être en contradiction avec le Digital Services Act (DSA) et qu’elle ne respectait pas le processus de notification prévu par la Commission. En conséquence, la loi DDADUE a été promulguée le 22 avril 2024, avec pour objectif de réviser les articles fondateurs de la législation sur les influenceurs. Cette réforme vise à aligner la législation française avec les normes européennes, y compris la directive e-commerce et le DSA, pour assurer une régulation cohérente au sein de l’Union européenne.

 conclusion

La loi n° 2023-451 constitue une avancée significative dans l’encadrement du secteur de l’influence commerciale en France. Malgré les critiques, l’impératif de protection des consommateurs et la quête de transparence dans les pratiques publicitaires des influenceurs légitiment l’adoption de mesures rigoureuses. Néanmoins, cette réglementation soulève des questions quant à sa conformité avec les directives européennes, notamment en matière de liberté d’expression et d’innovation numérique.