Le 7 octobre 2024, l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) a rendu une décision très attendue dans l’affaire NL 23-0255. Ce jugement, qui examinait les interactions entre marques, noms commerciaux et noms de domaine dans le droit de la propriété intellectuelle, a rejeté les demandes de nullité de LPB SAS à l’encontre de la marque contestée « Les P’tites Bombes LPB ». Cette décision met en lumière des principes clés dans les procédures d’opposition de marque, notamment en ce qui concerne le risque de confusion, la preuve d’usage et les nuances procédurales.
Sommaire
Résumé de l’affaire
Parties et contexte
Le différend opposait LPB SAS, le demandeur, à la marque « Les P’tites Bombes LPB », déposée en mai 2019. L’opposition s’appuyait sur des droits antérieurs, notamment :
- Le nom commercial « LPB » ;
- Le nom commercial « Les P’tites Bombes » ;
- Le nom de domaine com.
LPB SAS a soutenu que la marque contestée présentait un risque de confusion en raison de la similitude des signes et de l’intersection des produits et services.
Analyse juridique
Législation applicable
La marque contestée a été évaluée selon les dispositions du Code de la propriété intellectuelle en vigueur au moment de son enregistrement. Les articles L.711-2, L.711-3 et L.714-3 définissent les conditions de nullité, qui requièrent :
- La preuve de droits antérieurs, tels que des noms commerciaux ou des noms de domaine ;
- L’existence d’un risque de confusion entre la marque contestée et ces droits antérieurs.
Évaluation des droits antérieurs
En vertu du droit français, les marques peuvent être contestées sur la base de droits antérieurs. L’INPI a examiné trois revendications spécifiques :
- Dénomination sociale « LPB »
- L’INPI a confirmé l’utilisation antérieure de la dénomination sociale par LPB SAS pour des activités de commerce en gros de textile et prêt-à-porter.
- Cependant, aucun lien n’a été établi entre cette dénomination sociale et les produits/services couverts par la marque contestée. De plus, les différences visuelles et phonétiques ont réduit le risque de confusion.
- Nom commercial « Les P’tites Bombes »
- Bien que LPB SAS ait démontré un usage limité de ce nom commercial, l’INPI a jugé que la notoriété nationale n’était pas prouvée.
- Nom de domaine lespetitesbombes.com
- LPB SAS a affirmé une exploitation prolongée de ce domaine pour le commerce électronique.
- Toutefois, la majorité des preuves fournies, telles que les données web et les ventes, étaient datées après l’enregistrement de la marque. L’INPI a donc exclu tout usage effectif avant mai 2019.
Risque de confusion : une analyse globale
L’INPI a évalué le risque de confusion en tenant compte de plusieurs facteurs :
- Différences visuelles et phonétiques : Les similitudes entre la marque contestée et les droits antérieurs étaient limitées.
- Caractère distinctif : Le demandeur n’a pas démontré que ses droits antérieurs possédaient une distinctivité suffisante pour induire une confusion.
- Perception des consommateurs : Un consommateur moyen, doté d’une attention modérée, n’était pas susceptible de confondre la marque contestée avec les droits antérieurs.
L’analyse cumulative a conduit à la conclusion de l’absence de risque de confusion.
Implications pratiques pour les entreprises
Clarification de la charge de la preuve
La décision souligne l’importance pour les demandeurs de fournir des preuves robustes et contemporaines de l’usage et de la reconnaissance de leurs droits antérieurs. Les documents postérieurs à l’enregistrement de la marque ne peuvent pas être utilisés pour établir des revendications antérieures.
Les demandeurs doivent démontrer :
- Un usage effectif des droits antérieurs ;
- Une reconnaissance nationale, lorsque cela est applicable.
Portée de la nullité des marques
Cette décision met en avant la nécessité de formuler des demandes de nullité précises et ciblées, en s’assurant que :
- Il existe une correspondance claire entre les droits antérieurs et les produits/services de la marque contestée.
- Des preuves directes démontrent l’intersection et la confusion potentielle.
Enjeux juridiques et stratégiques plus larges
Du point de vue stratégique, cette affaire illustre les défis liés à la protection des droits historiques face à des marques plus récentes. Les entreprises doivent maintenir des archives complètes et datées de leurs usages, réputations et reconnaissances afin de protéger leur propriété intellectuelle et de soutenir leurs litiges ou oppositions futures.
Changements procéduraux dans les oppositions de marque
Cette affaire reflète les évolutions procédurales du droit français des marques, notamment :
- Des exigences probatoires plus strictes.
- Une simplification du processus d’opposition.
Pour réussir dans une demande de nullité, les opposants doivent présenter :
- Une documentation détaillée de l’usage antérieur.
- Des preuves de reconnaissance par les consommateurs.
- Une justification claire du préjudice découlant de la confusion potentielle.
Conclusion
La décision de l’INPI dans l’affaire NL 23-0255 fixe un niveau d’exigence élevé pour les demandes de nullité, soulignant l’importance d’une gestion proactive des droits de propriété intellectuelle. Pour les titulaires de marques, ce jugement rappelle l’importance de documenter et protéger leurs droits de manière rigoureuse.
À propos du cabinet Dreyfus
Dreyfus & Associés est spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et offre une expertise en matière de protection de marque, d’opposition et de nullité. Grâce à un réseau mondial d’avocats spécialisés, nous proposons des solutions complètes et adaptées aux besoins de votre entreprise.
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FAQ
Comment faire opposition à une marque ?
L’opposition à une marque est une procédure qui permet à un titulaire de droits antérieurs (marque, dénomination sociale, nom commercial, etc.) de s’opposer à l’enregistrement d’une marque qui porte atteinte à ses droits. En France, cette opposition doit être déposée auprès de l’INPI dans un délai de deux mois à compter de la publication de la marque au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI). L’opposant doit démontrer un risque de confusion avec sa marque antérieure.
Quels sont les critères de validité d’une marque ?
Pour être valable, une marque doit respecter plusieurs critères définis par le Code de la propriété intellectuelle :
- Distinctivité : La marque ne doit pas être descriptive des produits et services désignés.
- Disponibilité : Elle ne doit pas être identique ou similaire à une marque antérieure enregistrée pour des produits et services identiques ou similaires.
- Licéité : La marque ne doit pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
- Non-trompeuse : Elle ne doit pas induire le consommateur en erreur sur la nature, la qualité ou l’origine des produits et services.
Quel délai pour faire opposition à une marque publiée au bulletin ?
L’opposition doit être formée dans un délai strict de deux mois à compter de la publication de la demande d’enregistrement au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI). Passé ce délai, il n’est plus possible d’introduire une opposition administrative, mais des actions en nullité restent envisageables devant les juridictions compétentes.
Quelle est la procédure de dépôt d’une marque ?
Le dépôt d’une marque en France se déroule en plusieurs étapes :
- Vérification de disponibilité : Il est conseillé d’effectuer une recherche d’antériorité pour s’assurer que la marque n’est pas déjà enregistrée.
- Dépôt auprès de l’INPI : Le demandeur remplit un formulaire précisant le signe à protéger, la liste des produits et services concernés, et s’acquitte des frais de dépôt.
- Examen par l’INPI : L’INPI vérifie la conformité formelle et peut émettre des objections si la marque ne respecte pas les critères légaux.
- Publication au BOPI : La demande est publiée, ouvrant la période d’opposition de deux mois pour les tiers.
- Enregistrement : En l’absence d’opposition ou après son rejet, la marque est enregistrée et le titulaire reçoit un certificat de dépôt.
Qui peut prononcer la déchéance d’une marque ?
La déchéance d’une marque peut être prononcée par une juridiction ou l’INPI si le titulaire ne l’a pas exploitée pendant une période ininterrompue de cinq ans. Toute personne intéressée peut introduire une action en déchéance afin de faire annuler la marque pour non-usage.
Comment calculer la notoriété d’une marque ?
La notoriété d’une marque est évaluée en fonction de plusieurs critères :
- Le volume des ventes et la part de marché associée à la marque.
- La durée et l’intensité de son usage sur le marché.
- Les investissements publicitaires et la visibilité auprès du public.
- La reconnaissance par les consommateurs et les enquêtes d’opinion.
- L’usage de la marque dans les médias et les publications spécialisées.
Une marque bénéficiant d’une forte notoriété peut obtenir une protection renforcée contre des usages qui, même sans risque de confusion, pourraient tirer indûment profit de sa renommée.
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