La présente procédure – Syndicat des Vins Côtes de Provence v. Pascal Leemann-Pluot – Case No. D2024-5223 – porte sur le nom de domaine <cotesdeprovence.com>, enregistré le 29 janvier 2007 par le Défendeur, un particulier domicilié aux États-Unis. Le Plaignant, Syndicat des Vins Côtes de Provence, estimait que ce nom de domaine portait atteinte à ses droits, notamment ses marques françaises et son appellation Côtes de Provence protégée par les réglementations françaises et européennes.
Sommaire
Contexte et Position du Plaignant
- Appellation et missions du Syndicat
Le Plaignant est un syndicat créé en 1933 pour défendre et promouvoir l’appellation d’origine contrôlée (AOC) “Côtes de Provence”, qui désigne une zone géographique viticole recouvrant plusieurs communes en région Provence. Il souligne sa notoriété importante, ses productions conséquentes (plus de 130 millions de bouteilles en 2022), ainsi que ses marques enregistrées en France. - Marques revendiquées
Le Plaignant s’appuie principalement sur deux marques françaises :- Une marque purement figurative (no 1432164) représentant une bouteille de vin (sans élément textuel pertinent).
- Une marque semi-figurative (no 3753570) comportant notamment la mention « SYNDICAT DES VINS COTES DE PROVENCE ».
Il souligne en outre être titulaire de plusieurs noms de domaine contenant l’expression « cotesdeprovence », tels que <cotesdeprovence.fr>, <odg-cotesdeprovence.fr> ou <odg-cotesdeprovence.com>.
- Arguments sur la similarité et la confusion
Le Plaignant considère que le nom de domaine <cotesdeprovence.com> reproduit à l’identique l’élément essentiel de ses signes, à savoir « COTES DE PROVENCE ». Malgré la forme semi-figurative de sa marque, il estime que l’élément verbal dominant est « Côtes de Provence » et qu’il existe donc un risque de confusion. - Droits et intérêts légitimes
Le Plaignant avance que le Défendeur n’a reçu aucune autorisation pour exploiter l’appellation, ni pour enregistrer un nom de domaine correspondant à ses marques ou à son AOC/PDO. Il ajoute que l’utilisation du site associé au nom de domaine (pages de liens publicitaires pay-per-click en rapport avec la vente ou la livraison de vin) ne constitue pas un usage légitime ou de bonne foi. - Enregistrement et usage de mauvaise foi
Le Plaignant soutient que l’expression « Côtes de Provence » jouit d’une forte renommée et qu’il est peu vraisemblable que le Défendeur ait ignoré l’existence de l’AOC et des droits afférents. L’association du nom de domaine à un site de liens sponsorisés visant le domaine viticole témoignerait d’une volonté de tirer profit de la notoriété de l’appellation et de créer une confusion auprès des internautes, ce qui caractériserait la mauvaise foi.
Position du Défendeur
Le Défendeur n’a pas participé à la procédure et n’a soumis aucun argument en réponse. Les seules informations disponibles sont celles communiquées par le Plaignant et les constatations du Centre, notamment que le site lié au nom de domaine affichait des liens PPC relatifs au vin et qu’aucun usage actif par le Défendeur (comme un site commercial propre) n’a été prouvé.
Analyse du Panel
a) Similarité entre le nom de domaine et les marques
- Le Panel relève que la marque entièrement figurative du Plaignant (no 1432164) n’inclut pas d’élément verbal, et ne peut donc être comparée textuellement au nom de domaine <cotesdeprovence.com>.
- La seconde marque (no 3753570), enregistrée en 2010 (soit après l’enregistrement du nom de domaine en 2007), comporte l’élément « SYNDICAT DES VINS COTES DE PROVENCE », mais n’est pas strictement équivalente à « COTES DE PROVENCE » seul. Le Panel reconnaît que le Plaignant la considère comme intégrant un élément dominant « Côtes de Provence », mais relève l’absence d’éléments concrets pour démontrer que ce segment verbal serait isolément protégé ou considéré comme la partie prééminente de la marque.
- b) Droits ou intérêts légitimes du Défendeur
Compte tenu de la conclusion du Panel sur la mauvaise foi (voir ci-dessous), il n’a pas été jugé nécessaire de trancher définitivement la question des droits ou intérêts légitimes. Dans la logique de la procédure UDRP, l’échec à prouver la mauvaise foi d’enregistrement et d’usage suffit à rejeter la plainte, sans qu’il soit obligatoire d’analyser le deuxième élément.
- c) Enregistrement et utilisation de mauvaise foi
- Antériorité de la marque par rapport au nom de domaine
La marque semi-figurative mentionnant « Côtes de Provence » date de 2010, tandis que le nom de domaine a été enregistré en 2007, ce qui rend peu probable une intention initiale de cibler spécifiquement la marque du Plaignant. - Notoriété du Plaignant vs. notoriété de la région viticole
Même si l’appellation « Côtes de Provence » est reconnue dans le domaine du vin, le Panel constate que l’argumentation du Plaignant ne prouve pas que le Défendeur ait eu connaissance du syndicat ni de ses marques pour exploiter leur renommée. Il est plausible que le Défendeur ait voulu capitaliser sur l’intérêt pour la région ou le vin « Côtes de Provence », sans nécessairement viser le titulaire des marques ou l’organisation gestionnaire de l’AOC. - Liens publicitaires (pay-per-click)
Le contenu publicitaire du site est axé sur la thématique viticole, mais ne démontre pas en soi l’intention d’exploiter la marque du Plaignant. Pour caractériser la mauvaise foi, il aurait fallu établir que le Défendeur avait connaissance du Syndicat et de ses droits ou qu’il ciblait spécifiquement la marque. - Conclusion du Panel
Ne pouvant constater d’éléments probants prouvant une intention délibérée de s’approprier la notoriété du Syndicat ou de ses marques, et relevant en outre que l’enregistrement est antérieur à la marque semi-figurative, le Panel juge que le Plaignant ne remplit pas la condition de mauvaise foi au sens de la Politique UDRP.
Décision
Faute de preuve suffisante concernant la mauvaise foi lors de l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine, la plainte est rejetée. Le nom de domaine <cotesdeprovence.com> reste donc en possession du Défendeur.
Conclusion
Le Panel, appliquant les règles de l’UDRP, conclut que le Plaignant ne satisfait pas à l’exigence d’établir un enregistrement et un usage de mauvaise foi par le Défendeur. En conséquence, la plainte est rejetée.
En effet, l’UDRP vise à résoudre les conflits entre marques et noms de domaine, et non pas entre indications géographiques et noms de domaine. En l’espèce, en l’absence de marque similaire, et de preuve de la mauvaise foi du titulaire du nom de domaine, l’issue de cette décision est conforme aux règles de l’UDRP.
Cette décision met en évidence l’importance de posséder une marque pour défendre efficacement ses intérêts face à l’enregistrement d’un nom de domaine.
Le Syndicat des Vins Côtes de Provence a également agit, cette fois-ci avec succès, via la procédure administrative française PARL-EXPERT pour récupérer le même nom de domaine en <.fr> : ajouter lien.
Le Cabinet Dreyfus, fort de son expertise en propriété intellectuelle et protection des noms de domaine, accompagne ses clients dans la défense de leurs droits face aux risques de cybersquattage et d’atteintes à leurs droits de PI. Nous intervenons dans le cadre de litiges UDRP, en analysant chaque dossier sous l’angle du droit des marques et des réglementations spécifiques aux indications géographiques protégées (IGP) et appellations d’origine contrôlée (AOC). Grâce à notre expérience en gestion stratégique des portefeuilles de noms de domaine, nous mettons en place des solutions adaptées pour anticiper, surveiller et défendre les actifs numériques de nos clients, qu’il s’agisse de producteurs, de syndicats professionnels ou d’entreprises du secteur viticole et agroalimentaire.
FAQ
- Qu’est-ce que la procédure UDRP et quand est-elle applicable ?
La procédure UDRP (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy) est un mécanisme mis en place par l’ICANN pour résoudre les litiges liés aux noms de domaine. Elle s’applique lorsque le plaignant estime qu’un nom de domaine est identique ou similaire à une marque qu’il détient, que le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le domaine et qu’il a enregistré et utilise le domaine de mauvaise foi.
- Peut-on récupérer un nom de domaine reprenant une appellation d’origine protégée (AOP) ?
La protection des appellations d’origine est régie par des réglementations spécifiques (françaises et européennes, par exemple). Cependant, l’UDRP ne reconnaît généralement que les droits liés aux marques commerciales. Il peut donc être plus difficile de revendiquer un nom de domaine sur cette seule base. Une action en justice basée sur les lois sur les AOP ou la concurrence déloyale pourrait être une alternative.
- Une marque semi-figurative peut-elle suffire pour obtenir un nom de domaine via l’UDRP ?
Tout dépend des éléments textuels de la marque. Si le nom de domaine en question reprend uniquement une partie d’une marque semi-figurative, les chances de succès peuvent être réduites, notamment si cette partie n’est pas clairement identifiée comme dominante.
- Un nom de domaine enregistré avant une marque peut-il être récupéré sous l’UDRP ?
En règle générale, si le nom de domaine a été enregistré avant la marque revendiquée par le plaignant, il est difficile de prouver la mauvaise foi. Cependant, certaines exceptions existent, notamment si le défendeur avait déjà connaissance de la marque et avait l’intention de l’exploiter de manière abusive.
- L’affichage de liens publicitaires (pay-per-click) sur un site est-il une preuve de mauvaise foi ?
Pas nécessairement. Bien que certains cas de cybersquatting soient caractérisés par l’exploitation d’un nom de domaine pour des liens sponsorisés, la mauvaise foi doit être démontrée. Si le domaine contient un terme générique ou géographique et que le défendeur ne cible pas spécifiquement une marque, il peut être difficile de prouver un usage abusif.
- Peut-on invoquer un droit sur une appellation d’origine si elle est très connue ?
La notoriété d’une appellation d’origine peut être un facteur, mais elle ne confère pas automatiquement un droit dans le cadre de l’UDRP. La procédure étant axée sur les marques, il est souvent préférable de recourir à des actions basées sur la réglementation spécifique des appellations ou sur le droit de la concurrence déloyale.
- Que faire si une plainte UDRP est rejetée ?
Si une plainte UDRP est rejetée, d’autres options existent :
- Action en justice : selon le pays, il peut être possible d’invoquer le droit des marques, des appellations d’origine ou la concurrence déloyale.
- Négociation : une approche amiable peut être tentée avec le titulaire du domaine.
- Surveillance et actions futures : surveiller d’éventuelles nouvelles utilisations du domaine et intervenir si un usage abusif est constaté.
- Comment protéger efficacement un nom associé à une appellation d’origine ?
- Déposer une marque verbale incluant l’appellation dès que possible.
- Enregistrer les noms de domaine pertinents avant qu’un tiers ne le fasse.
- Surveiller activement les dépôts de domaines et les usages en ligne.
- Agir rapidement en cas d’enregistrement litigieux, via une procédure UDRP ou une action judiciaire.
Le cabinet Dreyfus & Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.
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