Nous faisons face à un tournant juridique majeur : la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) neutralise la règle de réciprocité prévue à l’article 2, §7 de la Convention de Berne pour les œuvres qui proviennent d’un pays extérieur à l’Espace économique européen (EEE). Cette évolution impacte directement les acteurs du design et du droit d’auteur, car elle confirme l’extension du champ d’harmonisation du droit d’auteur à l’échelle européenne. Dans les lignes qui suivent, nous exposons les points clés de ce changement, en partant de l’idée centrale pour aller vers les implications concrètes.
Sommaire
Contexte et bases légales
- La Convention de Berne et le droit de l’UE
La Convention de Berne accordait traditionnellement la possibilité aux États signataires de refuser ou limiter la protection du droit d’auteur pour certaines œuvres provenant de pays qui n’offraient pas une protection équivalente. Toutefois, la CJUE a jugé que le dispositif d’harmonisation instauré notamment par la directive 2001/29/CE sur d’éventuelles règles de réciprocité nationales, dès lors que l’Union a exercé sa compétence en la matière. - Sources officielles et fondements réglementaires
La CJUE considère que, dans le champ harmonisé du droit d’auteur, les États membres ne peuvent plus appliquer de critères basés sur la nationalité de l’auteur ou le pays d’origine de l’œuvre.
Décision-clé de la CJUE du 24 octobre 2024
CJUE, 1re ch., 24 oct. 2024, aff. C-227/23, Kwantum Nederland BV, Kwantum België BV c/ Vitra Collections AG : JurisData n° 2024-019490
Dans son arrêt du 24 octobre 2024, la CJUE a jugé que les États membres ne peuvent plus appliquer la réciprocité de l’article 2, §7 de la Convention de Berne pour refuser ou limiter la protection d’œuvres appliquées provenant de pays extérieurs à l’EEE. Seul le législateur de l’Union est habilité à fixer, le cas échéant, des exceptions ou restrictions dans les domaines entièrement régis par les directives européennes. Cette décision souligne qu’en présence de normes harmonisées, une approche nationale fondée sur l’origine des créations se trouve écartée.
Impact sur la protection des œuvres artistiques et appliquées
- Une protection élargie pour les œuvres de pays tiers
En neutralisant la règle de réciprocité, la CJUE garantit aux auteurs et titulaires de droits provenant de pays hors EEE une protection alignée sur les standards de l’Union européenne, pour peu que leurs créations répondent aux critères d’originalité requis. Cela touche particulièrement les domaines du design, des modèles industriels et des arts appliqués. - Renforcement de l’harmonisation
Ce renoncement à la réciprocité conforte l’idée d’une harmonisation plus poussée du droit d’auteur, en assurant la même protection à tout créateur, indépendamment de la nationalité. Les entreprises et créateurs bénéficient ainsi d’un environnement juridique plus stable et prévisible.
Conséquences pratiques pour les titulaires de droits
- Facilité de mise en œuvre : Les droits d’auteur peuvent être invoqués uniformément dans l’UE, sans devoir démontrer qu’un pays tiers offre une protection équivalente.
- Opportunités d’affaires accrues : Les entreprises de l’EEE peuvent conclure plus sereinement des contrats de licence ou d’exploitation avec des titulaires étrangers.
- Révision des contrats existants : Les accords s’appuyant sur des limites de protection liées à la réciprocité méritent une relecture afin de refléter la position de la CJUE.
Recommandations et bonnes pratiques
- Surveiller l’évolution législative : L’Union pourrait, à l’avenir, clarifier ou introduire d’autres exceptions ou limites.
- Auditer son portefeuille de droits : Les détenteurs de droits doivent s’assurer de l’adéquation de leurs dépôts et contrats face aux nouvelles règles.
- Se faire accompagner : Nous conseillons un suivi juridique spécialisé, au vu de la complexité des règlementations transfrontalières.
Conclusion
La décision de la CJUE représente une avancée déterminante pour la protection du droit d’auteur dans l’Union européenne. Nous encourageons les ayants droit, les créateurs et les entreprises à adapter leurs stratégies et pratiques pour profiter pleinement de ce nouveau cadre juridique.
- Inscrivez-vous à Notre Newsletter : Restez à jour sur les décisions importantes et l’actualité législative.
- Suivez-Nous sur les Réseaux Sociaux : Partagez et discutez des meilleures pratiques avec notre communauté professionnelle.
Au cabinet Dreyfus, nous sommes prêts à élaborer des stratégies juridiques complètes, adaptées aux besoins spécifiques de chaque client. Nos services incluent notamment le conseil en enregistrement et défense des droits d’auteur, la protection des marques et modèles, la gestion de portefeuilles de noms de domaine, la négociation de licences et transferts, la lutte anti-contrefaçon ainsi que l’assistance contentieuse dans plusieurs juridictions.
Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle, offrant un accompagnement global à ses clients
Rejoignez-nous sur les réseaux sociaux !
FAQ
1. Cette décision s’applique-t-elle à toutes les catégories d’œuvres ?
Oui. Toute œuvre protégée par le droit d’auteur au sens du droit de l’UE est concernée, y compris les œuvres utilitaires et artistiques.
2. Qu’en est-il des pays qui n’accordent aucune protection ?
L’absence de protection dans le pays d’origine n’empêche plus l’octroi d’une protection en Europe, sous réserve de l’originalité de l’œuvre.
3. La durée de protection est-elle affectée ?
Le point litigieux concerne la portée de la protection, pas sa durée. Les textes européens régissent déjà la durée de manière unifiée.
4. Peut-on encore invoquer la réciprocité à l’avenir ?
Tant que le législateur de l’UE ne réintroduit pas formellement un tel dispositif pour les arts appliqués, les États membres ne peuvent l’imposer.
5. Doit-on modifier ses contrats en cours ?
Une révision peut s’avérer nécessaire pour intégrer ces nouvelles clarifications et protéger au mieux vos droits ou obligations.