La réforme du droit des dessins et modèles, introduite par le Règlement (UE) 2024/2822 et la Directive (UE) 2024/2823, marque une avancée majeure dans la protection des créations industrielles. Mise en œuvre à compter du 1er mai 2025, avec une transposition complète attendue pour le 9 décembre 2027, cette réforme redéfinit les règles de protection, de gestion et d’exécution des droits sur les dessins dans toute l’Union.

La réforme et ses impacts stratégiques

Le nouveau cadre juridique européen introduit :

  • Des définitions modernisées, incluant les dessins animés et numériques
  • Une flexibilité procédurale accrue (dépôts multiples, différés)
  • Des mécanismes renforcés de mise en œuvre pour les atteintes physiques et numériques
  • Des motifs harmonisés de refus et de nullité
  • Une structure tarifaire rééquilibrée en faveur des PME
  • Une clarification des règles de titularité, en lien avec le droit du travail
  • Une meilleure lisibilité du régime des dessins non enregistrés et de la clause de réparation

Les titulaires de droits sont invités à auditer leur portefeuille, revoir leurs contrats de travail et adapter leur stratégie de dépôt.

Calendrier de mise en œuvre et dates clés

  • 1er mai 2025 : entrée en vigueur du Règlement (phase I)
  • 1er juillet 2026 : mise en œuvre des dispositions secondaires (phase II)
  • 9 décembre 2027 : transposition complète de la Directive par les Etats membres
  • 9 décembre 2032 : fin de la période transitoire pour les pièces détachées

Extension du champ de protection des dessins

A – Dessins numériques et immatériels

Sont désormais inclus les interfaces graphiques, objets virtuels et configurations spatiales dans les environnements virtuels. Une évolution en phase avec les marchés du jeu vidéo, du métavers et des services numériques.

B – Eléments animés et virtuels

Les dessins intégrant des mouvements ou transitions sont protégés : animations d’applications, effets dynamiques de sites web, vêtements virtuels, etc.

Innovations procédurales en matière de dépôt

A – Dépôts simplifiés de dessins multiples

Jusqu’à 50 dessins peuvent être déposés dans une seule demande, sans contrainte de classification commune.

B – Représentation visuelle et exigences de dépôt

Seules les caractéristiques visibles dans la demande sont protégées, tranchant un débat jurisprudentiel. La demande doit comporter l’identité du déposant, une représentation claire et l’indication du produit visé.

C – Déféré de publication harmonisé

La publication peut être différée de 30 mois maximum, avec possibilité d’opposition au plus tard 3 mois avant la fin du délai.

Renforcement des droits et des outils de mise en œuvre

A – Impression 3D et fichiers numériques

Le titulaire peut interdire le partage ou l’utilisation non autorisée de fichiers numériques permettant la reproduction 3D de son dessin.

B – Lutte contre la contrefaçon en transit

Les droits peuvent s’exercer même contre des produits en simple transit dans l’UE, à l’instar du droit des marques.

C – Procédures accélérées d’annulation

L’EUIPO pourra accélérer les procédures d’annulation non contestées, pour une exécution plus rapide.

Clarification de la titularité et relations de travail

Par défaut, la titularité revient au créateur ou son ayant droit, sauf création dans le cadre d’un emploi, auquel cas le salarié cède automatiquement le droit à l’employeur. Le contrat ou la législation nationale peut prévoir autrement.

Impact financier et nouvelle structure tarifaire

La réforme introduit une révision complète de la structure tarifaire applicable aux dessins et modèles de l’Union. Si certaines taxes initiales sont allégées, notamment au stade du dépôt (à titre d’exemple, le coût de dépôt d’un dessin passe de 350 € à 250 €), les coûts augmentent sensiblement à partir du troisième renouvellement.

Cette évolution favorise les PME et les secteurs à cycles de vie courts (comme la mode, les accessoires ou les produits numériques), en allégeant les coûts initiaux de dépôt et en simplifiant les démarches. En revanche, elle pourrait désavantager les industries à long cycle de vie, telles que l’automobile, l’électroménager ou l’ingénierie lourde, pour lesquelles la pérennité de la protection sur 20 à 25 ans est essentielle. Pour ces entreprises, la montée en puissance des frais de renouvellement impose une réelle anticipation budgétaire et stratégique.

Motifs harmonisés de refus et de nullité

Motifs optionnels de refus si le dessin :

  • Reproduit des éléments du patrimoine culturel national (monuments, costumes)
  • Utilise de façon abusive des emblèmes ou signes d’intérêt public

Régime clarifié des dessins non enregistrés

La protection des dessins divulgués hors UE est désormais possible, s’ils peuvent raisonnablement atteindre le public concerné dans l’Union. Une évolution en phase avec la diffusion numérique internationale.

La nouvelle clause de réparation et ses implications

Applicable dès le 9 décembre 2027, cette clause autorise la reproduction de composants destinés à restaurer l’apparence d’origine d’un produit complexe.

  • Conditions strictes : usage exclusivement réparatoire et indication de l’origine
  • Non applicable aux marques ni aux éléments non visuels essentiels

Cette mesure favorise la concurrence et l’économie circulaire, mais soulève des enjeux juridiques.

Sécurité juridique renforcée et liberté créative

Sont désormais autorisés dans des conditions équitables :

  • Publicité comparative
  • Critique, commentaire
  • Parodie

Ces exceptions visent à garantir la liberté d’expression et une transparence du marché.

Recommandations pour les entreprises

Il est conseillé de :

  • Auditer les portefeuilles et échéances afin de repérer les modèles à renouveler ou à consolider, en tenant compte de la nouvelle grille tarifaire plus lourde à long terme.
  • Mettre à jour les contrats de travail sur la titularité, en particulier pour les salariés susceptibles de créer des dessins ou modèles dans le cadre de leurs fonctions. En effet, la réforme confirme que, par défaut, les droits appartiennent au créateur, sauf clause contraire ou disposition nationale spécifique. Une clause contractuelle claire évite tout litige futur sur la propriété des droits et renforce la sécurité juridique de l’entreprise en cas de contentieux ou de cession de droits.
  • Toujours examiner, au cas par cas, s’il est plus avantageux d’opter pour un dépôt international via le système de La Haye ou pour un dépôt communautaire, selon les pays cibles, les perspectives d’exploitation et les contraintes budgétaires.

Conclusion

Cette réforme modernise le droit des dessins de l’UE à l’ère numérique, simplifie les procédures et favorise l’innovation. Elle nécessite néanmoins une adaptation stratégique des titulaires de droits.

Le cabinet Dreyfus & Associés accompagne les entreprises pour sécuriser et valoriser leurs créations dans ce nouveau cadre.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

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FAQ

1 – Quels sont les droits des dessins et modèles enregistrés dans l’UE ?
Un dessin ou modèle enregistré dans l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation sur l’apparence du produit ou d’une partie de produit résultant de ses caractéristiques visuelles (lignes, contours, formes, textures, matériaux ou ornementations). Ce droit permet d’interdire à tout tiers non autorisé de fabriquer, offrir, mettre sur le marché, importer, exporter ou utiliser un produit incorporant le dessin ou modèle, ou de détenir un tel produit à ces fins. La protection est valable dans l’ensemble des États membres de l’UE pour une période de 5 ans renouvelable par tranches quinquennales, jusqu’à un maximum de 25 ans.

2 – Est il possible de transmettre un dessin ou modèle
Oui. Le droit sur un dessin ou modèle enregistré constitue un actif immatériel cessible, qui peut être transmis à titre onéreux (vente, apport en société) ou gratuit (donation, succession). La transmission peut également résulter d’une fusion ou d’une scission d’entreprise. Pour assurer l’opposabilité aux tiers, l’enregistrement de la cession au registre des dessins et modèles tenu par l’EUIPO (ou par l’office national compétent en cas de dessin national) est recommandé. Il est également possible de conclure une licence d’exploitation exclusive ou non exclusive.

3 – Où doit on déposer un dessin ou modèle pour l’Europe ?
Pour une protection à l’échelle de l’Union européenne, il convient de déposer une demande de dessin ou modèle communautaire enregistré (DMC ou RCD) auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Cette procédure unique permet d’obtenir une protection valable dans les 27 États membres. Il est également possible de désigner l’UE dans le cadre d’un dépôt international via le Système de La Haye géré par l’OMPI, pratique pour une stratégie multi-pays. Enfin, des dépôts peuvent être effectués au niveau national pour des besoins spécifiques ou en complément d’un DMC.

4 – Quelle est la différence entre un dessin et un modèle ?
En droit de l’Union européenne, les termes « dessin » et « modèle » sont utilisés de manière interchangeable pour désigner la protection de l’apparence extérieure d’un produit. Toutefois, en pratique ou dans d’autres législations (notamment en droit français), on peut distinguer :

  • Un dessin, qui vise une représentation en deux dimensions (motif, ornement, interface graphique) ;
  • Un modèle, qui couvre une forme en trois dimensions (objet, emballage, produit manufacturé).
    Dans les deux cas, la protection s’attache à l’esthétique du produit, et non à sa fonction technique.