Parmi les changements apportés par le projet de transposition en France du « Paquet Marques », outre la suppression de l’exigence de représentation graphique et l’apparition de nouveaux motifs de refus d’une demande d’enregistrement, figure la modification de la procédure d’opposition.
Ainsi, la Directive du 16 décembre 2015 (2015/2436 UE) exige avant tout une procédure rapide et efficace, sans pour autant préciser les différentes étapes qui doivent être suivies. En revanche, l’article 5 de la Directive détaille les droits invocables. Dans son projet d’ordonnance, le gouvernement français prévoit d’étendre les droits antérieurs susceptibles d’être invoqués et de modifier la procédure d’opposition, conduisant ainsi à modifier le Code de la propriété intellectuelle.
L’extension des droits antérieurs susceptibles d’être invoqués
En l’état actuel du droit, une demande d’opposition à l’enregistrement d’une marque doit être formée dans un délai de deux mois, être faite par des personnes bien identifiées et invoquer des droits antérieurs donnés (article L. 712-3 du Code de la propriété intellectuellerenvoi de l’article L. 712-4 du même Code). À cet égard, l’article L. 712-4 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose qu’une opposition peut être faite par :
« (…) 1° Le propriétaire d’une marque enregistrée ou déposée antérieurement ou bénéficiant d’une date de priorité antérieure, ou le propriétaire d’une marque antérieure notoirement connue ;
1° bis Le directeur de l’Institut national de l’origine et de la qualité, dès lors qu’il y a un risque d’atteinte au nom, à l’image, à la réputation ou à la notoriété d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique (…) ;
2° Le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation, sauf stipulation contraire du contrat ;
3° Une collectivité territoriale au titre du h de l’article L. 711-4 ou au titre d’une atteinte à une indication géographique définie à l’article L. 721-2, dès lors que cette indication comporte le nom de la collectivité concernée ;
4° Un organisme de défense et de gestion mentionné à l’article L. 721-4 dont une indication géographique a été homologuée en application de l’article L. 721-3 ou dont la demande d’homologation est en cours d’instruction par l’institut. (…) »
Les droits antérieurs protégeables par une collectivité territoriale selon le paragraphe 3°) sont son nom, son image et sa renommée, ainsi que les indications géographiques, telles que définies par l’article L 721-2 comportant le nom de cette collectivité territoriale. L’organisme de défense et de gestion d’indications géographiques mentionné au paragraphe 4°) est un organisme privé doté de la personnalité morale.
Dans son projet d’ordonnance, le gouvernement français a choisi de traiter séparément les droits invocables et les titulaires de droits pouvant former opposition : le nouvel article L. 712-4 s’attache ainsi aux premiers tandis que le nouvel article L. 712-4-1 traite des seconds. Ce changement de forme est accompagné d’un changement de fond. Les droits invocables sont étendus, ce qui a des répercussions sur les titulaires pouvant agir. A cet égard, il en résulte que :
- L’existence d’une marque de renommée antérieure c’est-à-dire d’une marque dont la notoriété a un rayonnement international, est invocable dans une procédure d’opposition ;
- Toute personne morale peut invoquer l’existence d’une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
- Toute personne morale de droit public peut faire état d’une atteinte au nom, à l’image ou la renommée d’une institution, d’une autorité ou d’un organisme de droit public ;
- L’existence d’une marque protégée dans un Etat membre de la Convention de Paris est invocable dans une procédure d’opposition.
Par ailleurs, des modifications ont été apportées concernant les droits qui étaient déjà invocables auparavant. Les indications géographiques homologuées ou enregistrées sont invocables, mais il n’est plus question de l’atteinte à leur nom, à leur image ou à leur réputation. Le changement est le bienvenu puisque qu’une indication géographique est une dénomination servant à désigner un produit spécifique. Cette dernière peut difficilement prétendre avoir un nom, une image et encore moins une réputation. Seuls l’entité ou le territoire auxquels cette dénomination est rattachée peuvent y prétendre. Ladite formule est donc réservée aux atteintes portées à une collectivité territoriale, à une institution, à une autorité ou bien à un organisme de droit public.
A cet égard, le projet d’ordonnance permet également à toute personne exerçant ses droits sur une indication géographique homologuée ou enregistrée de former une opposition. En l’absence de précision, il peut s’agir d’une personne physique comme d’une personne morale, telles que les collectivités territoriales, si leur nom est utilisé.
En revanche, les appellations d’origine ne sont plus mentionnées dans la nouvelle rédaction de l’article L. 712-4. Ce terme regroupe aujourd’hui plusieurs sous-catégories. Il est donc probable que les appellations d’origine seront incluses dans les indications géographiques, puisque le but recherché dans les deux cas est d’offrir un gage de qualité et la reconnaissance d’un lieu de production particulier ou d’un savoir-faire propre à une région.
En outre, l’opposition à une demande d’enregistrement peut désormais être formée par le titulaire d’une marque déposée, sans son autorisation, au nom de son agent ou de son représentant. Ce dernier ajout prend ainsi en compte cette pratique afin de protéger les intérêts du titulaire de la marque. Jusqu’à présent, l’article R 712-13 prévoyait la possibilité pour un titulaire d’agir par l’intermédiaire d’un représentant, mais n’envisageait pas que ce dernier puisse agir sans autorisation. Le Code de la propriété intellectuelle ne donnait d’ailleurs aucunes lignes directrices dans un tel cas.
Pour finir, il convient de préciser que, désormais, plusieurs de ces droits seront invocables en même temps dans une seule procédure d’opposition, dès lors qu’ils appartiennent à un titulaire unique ou que les différents titulaires aient désigné un mandataire commun (Article R. 712-13 nouveau), et que les produits et / ou services des marques sont identiques au moins pour partie à ceux de la marque contestée.
À suivre…